Vous avez de la farine, de la levure de boulanger, du yaourt et du fromage à tartiner ? Vous avez tout pour réussir de délicieux naans au fromage !

Les naans sont des petits pains plats d’origine Indienne, croustillants à l’extérieur et moelleux à l’intérieur. Ils sont traditionnellement cuits sur les parois très chaudes de fours cylindriques (Tandoor).

Leur version au fromage est un incontournable des restaurants Indiens en France. Sachez cependant que les naans au fromage sont une invention française, et que vous n’en trouverez pas si vous allez en Inde ou dans la plupart des restaurants Indiens dans le monde.

La version courte


Les naans sont des pains plats fabriqués avec de la pâte levée (grâce aux levures). Ils sont proches des pains pitas ou des pains arabes, mais sont plus souples et moelleux grâce à l’utilisation de yaourt.

Ces pains plats sont différents des tortillas pour lesquelles on n’utilise pas de levure.

Vous obtiendrez de délicieux naans si vous appliquez les recommandations suivantes

  • Utilisez une farine qui contient beaucoup de protéines (au moins 10%). Sinon, réduisez la quantité d’eau pour faire la pâte.
  • Vérifiez toujours que votre levure est encore vivante. Surtout si le paquet est ouvert ou qu’elle approche de sa date de péremption.
  • Pétrissez longtemps (au moins 5 vraies minutes, ou plus longtemps avec un robot), pour développer un réseau de gluten solide et étendu qui retiendra bien les bulles de gaz produites par les levures.
  • Laissez le temps aux levures d’agir : au moins 1h à une température de 25° minimum. Il faut que la pâte double de volume.
  • Faites cuire dans une poêle très chaude, pour reproduire les conditions du four traditionnel.

A la fin de cet article je vous propose une recette pour réaliser de délicieux naans au fromage. Je l’ai développée pour faire plaisir à une Princesse qui me fait l’honneur de goûter et d’apprécier ma cuisine.

Que nous dit la science ?


Les levures boulangères

Les levures boulangères (Saccharomyces cerevisiae)  sont des champignons unicellulaires (constitués d’une seule cellule) dont le but est de survivre et de se reproduire. Et pour cela, elles ont besoin d’énergie qu’elles trouvent dans les sucres de la farine.

1g de levure fraiche contient environ 10 milliards de cellules !

Dans les pâtes levées (pâtes à pain, à pizza, brioches, pitas, naans, etc.) les levures ont 2 rôles :

  • produire du gaz carbonique qui va faire gonfler la pâte et donner une mie aérée après la cuisson.
  • Produire des composés qui donnent du goût au pain.

En présence d’oxygène, les levures respirent et se multiplient comme n’importe quelle cellule de tout être vivant : elles consomment des sucres et de l’oxygène et produisent beaucoup de CO2 et d’énergie.

C’est à ce moment-là que la pâte gonfle et que les levures se multiplient le plus. 

C’est pour cette raison qu’il faut pétrir longtemps la pâte (pour introduire de l’air donc de l’oxygène), et que certaines recettes de pain recommandent des pétrissages à intervalle réguliers, pour redonner de l’oxygène aux levures.

Quand il n’y a plus d’oxygène, les levures continuent à produire de l’énergie (mais beaucoup moins) en réalisant une fermentation alcoolique (production d’éthanol).

C’est d’ailleurs grâce à cette fermentation alcoolique que l’on produit de la bière à partir du malt (blé germé) et de levures de boulanger.

Pour les pains plats (pita, naans) la fermentation est courte (1h environ) : on recherche surtout la formation de bulles, et pas nécessairement la formation d’alcools ni de composés qui donnent du goût.

Pour les pains épais et les pizzas, la fermentation sera beaucoup plus longue (plusieurs heures à plusieurs jours) car on recherche une pâte qui a aussi beaucoup de goût.

Les 3 types de levures de boulangerie

La levure fraiche : qu’on appelle aussi levure de boulanger (même si toutes les levures sont des levures de boulanger). Elle est vivante et active, et se présente sous forme de cube friable de couleur beige de 42g. On la trouve en boulangerie ou aux rayons frais des grandes surfaces.

La levure sèche active : qu’on appelle aussi levure déshydratée. Elle se présente sous la forme de granules ou de billes, et est vendue en grands conditionnements ou en sachets de 7 à 10g.

Elle se conserve très bien à température ambiante, et convient particulièrement aux régions chaudes et humides. Elle nécessite d’être réhydratée avant usage (une 10aine de minutes dans un liquide à 25°C).

La levure sèche instantanée : qu’on appelle aussi levure lyophilisée. C’est la plus fréquemment utilisée en Europe. Elle est vendue en sachets de 5 à 7g et se présente sous forme de mini billes ou paillettes.

Son principal avantage est qu’elle peut s’utiliser directement, et n’a pas besoin d’être réhydratée. Elle se conserve bien dans son emballage d’origine, moins bien une fois ouverte (pour ceux qui conservent des sachets ouverts …).

Elle contient un émulsifiant (E491 – monostéarate de sorbitane) qui stabilise les bulles de CO2 et améliore donc l’action levante des levures.

L’importance de la température

L’activité des levures est très dépendante de la température à l’intérieur de la pâte

  • elle est maximale entre 20°C et 40°C. C’est pour cela qu’on recommande de faire lever les pâtes à pain dans un endroit chaud (ou dans un four préchauffé et éteint)
  • elle est ralentie entre 10°C et 20°C : c’est le principe des longues levées à froid qui durent plus longtemps et donnent des pâtes qui ont plus de goût. Voir la recette de la pâte à pizza.
activité des levures en fonction de la température dans la pâte à pain
activité des levures en fonction de la température dans la pâte à pain

Le Gluten

Comme nous l’avons vu dans de nombreux articles (tapez « gluten » dans le moteur de recherche), le gluten est un réseau de protéines qui se forme quand on mélange de l’eau et des farines panifiables, c’est-à-dire avec lesquelles on peut faire du pain : blé, épeautre, seigle, avoine, orge, etc.

Dans les farines, les protéines (et notamment celles du gluten) entourent les grains d’amidons.

représentation des brins de protéines dans les farines

Quand on ajoute de l’eau et qu’on pétrit la pâte, les brins de protéines se déroulent et s’associent entre eux (par des liaisons hydrogène et des ponts disulfures) pour former un réseau à 3 dimensions.

représentation schématique des protéines du gluten après le mélange et le pétrissage

Le pétrissage est important pour 3 raisons :

  1. Il permet de bien mélanger les ingrédients : eau, farine, sel et levure
  2. Il permet d’étendre et d’aligner les brins de protéine
  3. Il permet d’introduire de l’air dans la pâte. Cet air va permettre aux levures de respirer, et forme des poches dans lesquelles le CO2 va s’accumuler.

Et plus on pétrit la pâte, plus le réseau de gluten sera solide et étendu, et plus il retiendra les bulles de CO2 produites par les levures. Sinon, elles vont s’échapper de la pâte.

représentation schématique d'une pâte levée
représentation schématique d’une pâte levée

La farine de blé

Il existe de nombreux types de farine de blé, et ce n’est pas toujours évident de savoir laquelle choisir pour faire du pain.

Le type (45, 55, etc.) n’est pas un bon indicateur ! Il représente le pourcentage de matières minérales contenues dans la farine, c’est-à-dire la pureté de la farine. Plus le taux est bas, moins il y a de son dans la farine, et donc de fibres, vitamines et minéraux. Aucun impact pour la fabrication du pain.

La chose importante à regarder est le taux de protéines dans la farine : plus il est élevé, plus il y aura de gluten (les protéines du gluten représentent 86% des protéines de la farine). Choisissez toujours une farine avec au moins 10% de protéines, idéalement 12%.

J’ai connu récemment quelques échecs pour des préparations nécessitant le pétrissage de farine. Je me suis rendu compte que ma chère et tendre avait acheté une autre marque de farine que celle que nous achetions habituellement. 

Elle contenait 8.4g de protéines/100g au lieu des 10g/100g de ma farine habituelle. Ca n’a l’air de rien, mais ça fait une différence de plus de 16% !

vérifiez la teneur en protéines de votre farine

L’importance des matières grasses

Comme nous l’avons vu dans l’article sur les tortillas, l’ajout de matière grasse dans la pâte des naans (huile, yaourt) va la lubrifier.

De cette façon, elle sera plus facile à pétrir et les bulles de CO2 vont pouvoir plus facilement pénétrer à l’intérieur du réseau de gluten. C’est particulièrement important pour les pâtes avec une levée rapide (comme les naans et les pitas).

Le tandoor

Les naans sont habituellement cuits dans un tandoor. C’est un four cylindrique dont les parois peuvent chauffer jusqu’à 300°C.

Après avoir étalé la pâte, le boulanger la plaque sur les parois à l’aide d’un gros coussin.

En cuisant les naans dont une poêle très chaude on reproduit le plus fidèlement possible ce mode de cuisson. C’est mieux que la cuisson au four.

Quelles implications en cuisine ?


Pétrissez longtemps

Plus le pétrissage est long, plus le réseau de gluten sera développé et solide et pourra retenir le CO2 produit par les levures.

En plus, il y aura plus d’oxygène dans la pâte, et les levures produiront plus de CO2 par leur respiration.

Comment savoir si la pâte est suffisamment pétrie ? elle doit être élastique et ne pas se déchirer quand on l’étire un peu.

Vérifiez votre levure

Même si vous utilisez de la levure instantanée (lyophilisée), je vous recommande de toujours tester que la levure est encore vivante. Ca ne prend que quelques minutes.

  • Versez dans un bol une petite quantité de l’eau prévue pour votre recette, mettez-y une pincée de sucre, versez la levure et remuez.
  • Au bout de quelques minutes vous devez voir des bulles se former à la surface du mélange, signe que les levures ont commencé à respirer en consommant le sucre.

Il n’y a rien de plus frustrant que de constater que la pâte n’a pas levé après avoir pétri et attendu 45 mn !

Faites lever dans un endroit chaud

Les levures sont plus actives entre 25° C et 30° C. Vous pouvez laisser la pâte lever à côté d’un radiateur ou dans un four préchauffé.

Adaptez la quantité d’eau à la farine

La recette que je vous propose est pour une farine qui contient 10% de protéines, et prévoit 140 ml d’eau pour 400g de farine.

  • Si vous utilisez de la farine avec 8,4% de protéines, il faudra réduire la quantité d’eau à 100 ml.
  • si vous utilisez de la farine avec 12% de protéines, il faudra augmenter la quantité d’eau à 190 ml.

Pour ceux que ça intéresse, le détail des calculs est à la fin de l’article.

Laissez le temps aux levures d’agir

En fonction de vos levures et de la température ambiante, la levée de la pâte peut prendre entre 45 mn et 2h.

Surveillez votre pâte : quand elle a doublé de volume, c’est bon !

La recette

La recette que je vous propose est adaptée de celle développée par Sanjee de Bollywood Kitchen. Vous pourrez y voir une vidéo de la recette.

Les ingrédients

pour 8 naans au fromage de 15 cm de diamètre (soit 16 naans individuels)

  • 400g de farine de blé avec 10% de protéines
  • 140 ml d’eau tiède
  • 125 g de yaourt (soit 1 pot)
  • 3 c. à soupe d’huile végétale
  • 1 c. à café de sel
  • 1 c. à café de sucre
  • 6 g de levure boulangère (1 sachet)
  • 140g de fromage à tartiner (8 portions de vache qui rit)
  • 30g de beurre fondu (pour badigeonner les naans après la cuisson)

La préparation

Prélevez 20 ml d’eau tiède et mettez-là dans un bol avec 1 cc de sucre et les 6g de levure de boulanger. Remuez et laissez la levure s’activer pendant 10 mn.

Mélangez les 400g de farine et 1 cc de sel dans le bol du robot ou un grand saladier.

Quand la levure commence à mousser, faites un puit dans le saladier contenant la farine et le sel, et versez-y les ingrédients liquides : la levure, 1 yaourt, 3 CS d’huile, le reste de l’eau (120 ml).

Au robot : pétrissez à vitesse moyenne pendant 10 mn.

A la main : mélangez avec le manche d’une cuillère en bois pour bien amalgamer l’ensemble. Puis pétrissez à la main (dans le saladier ou sur votre plan de travail) pendant au moins 5 vraies minutes jusqu’à ce que la pâte soit lisse et élastique.

Versez un peu d’huile dans le fond du saladier et huilez-en les bords. Enduisez la boule de pâte de cette huile. Couvrez le saladier d’un torchon et laissez-la lever dans un endroit tempéré (entre 25° C et 30° C). Elle doit doubler de volume.

Ecrasez le fromage à la fourchette, pour qu’il soit plus facile à étaler.

Quand votre pâte a fini de lever, farinez votre plan de travail et versez-y la pâte. Appuyez du bout des doigts pour chasser les grosses bulles de gaz.

Formez un boudin et détaillez 16 petites boules de pâte.

Faites chauffer un poêle sur feu moyen-vif (7 sur 10).

Allumez votre four et faites le chauffer à 40°C (ce sera pour conserver les naans cuits avant de les servir)

Etalez chaque boule au rouleau pour former des disques de 3 mm d’épaisseur.

Etalez un peu de fromage (1/8 de la quantité totale) sur un disque de pâte, en laissant 1 cm tout autour. Disposez un second disque de pâte par-dessus et soudez les bords en appuyant bien avec les doigts.

Déposez dans la poêle chaude et laissez cuire 1 mn environ avec un couvercle. Des bulles apparaissent sur le dessus et le dessous doit être coloré et sec. 

Retournez avec une spatule ou une pince et faites cuire l’autre face pendant 1 mn également à couvert.

Disposez sur un plat et parsemez d’une noisette de beurre ou badigeonnez avec du beurre fondu. Gardez le plat couvert d’un torchon dans le four chaud pendant que vous cuisez les autres naans.

Sachez que les naans se conservent très bien au congélateur. Vous pouvez en préparer une grande quantité et les congeler. Il vous suffira de les faire réchauffer emballés dans du papier d’aluminium pendant quelques minutes dans un four à 160°C.

Les références

Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés

  1. Zeste de savoir : que se passe-t-il lorsque l’on fait du pain
  2. Bollywood Kitchen : Naans au fromage
  3. The Bread Maiden : the Science Behind the Baking Process

Formules pour adapter la quantité d’eau à la quantité de protéines dans la farine