La tarte aux pralines est un incontournable de la cuisine Lyonnaise. J’ai testé des dizaines de recettes avant de mettre au point celle que je partage dans cet article.

Le résultat est proche de la tarte de la boulangerie Jocteur – la référence en la matière – avec un fond fin et croustillant recouvert d’une fine couche onctueuse de caramel aux pralines.

La version courte


La difficulté pour la tarte à la praline, c’est d’avoir un fond fin qui a de la tenue tout en étant croustillant, et une fine couche de caramel ni trop dur, ni trop mou.

Pour la pâte :

  • limitez la manipulation pour limiter le développement du réseau de gluten.
  • formez un disque épais pour un étalement plus facile
  • laissez reposer au moins 1h au frais avant de l’étaler, pour que l’eau pénètre bien entre les grains d’amidon.
  • mettez la pâte étalée quelques minutes au congélateur avant de l’enfourner pour que l’eau du beurre ait le temps d’empeser l’amidon avant qu’elle ne s’évapore
  • faites bien préchauffer le four avant d’enfourner
  • couvrez la pâte avec du papier d’aluminium pour une meilleure cuisson du dessus
  • faites cuire à température modérée (170°C)

Pour le caramel :

  • utilisez des pralines concassées pour éviter les gros morceaux d’amande. En plus, elles sont moins chères.
  • utilisez de la crème épaisse plutôt que liquide pour un caramel plus onctueux
  • faites cuire jusqu’à 112°C. Un thermomètre est indispensable ici.

Je dédie cet article à Charlotte de Dijon qui m’a récemment demandé ma recette de la tarte à la praline, et qui m’a poussé à finir la rédaction de cet article commencé il y a plusieurs mois.

Merci à Sylvie, Hugo, Margaud et Eliott pour leur patience et leurs commentaires sans concession lors des tests. J’espère ne pas les avoir dégoûtés de la tarte aux pralines.

Que nous dit la science ?


La pâte sablée

Il est très difficile de s’y retrouver dans le monde des pâtes à tarte. Certains auteurs de recettes – dont des pâtissiers de renom – font la distinction entre les pâtes sablées, sucrées, brisées.

Mais quand on compare les recettes et les modes de préparation, on s’aperçoit qu’il n’y a aucune règle qui se dégage, ni dans les proportions, ni dans la méthode de préparation d’une pâte ou d’une autre.

Si vous voyez une recette qui prétend être « la véritable recette de la pâte sablée », méfiez-vous !

Le seul point commun des pâtes à tarte sucrées est qu’elles contiennent toutes de la farine, du beurre et de l’œuf et du sucre.

Après, c’est à chaque pâtissier de trouver l’équilibre qui lui convient entre la consistance et le goût de sa pâte, selon l’usage qu’il veut en faire.

Je résume dans ce tableau les rôles des ingrédients dans une pâte à tarte sucrée. Pour des explications plus détaillées je vous invite à consulter l’article sur la préparation des pâtes à tartes.

La recette que je vous propose donne une pâte fine qui garde de la structure tout en restant friable après la cuisson. Je la préfère aux tartes avec une pâte plus épaisse

à gauche: pâte fine; à droite : pâte épaisse

Sablage ou crémage ?

Le sablage et le crémage sont 2 méthodes de mélange des ingrédients des pâtes à tarte.

Le crémage

Le crémage consiste à battre le beurre et le sucre pour introduire des bulles d’air dans la préparation. La matière grasse du beurre entoure ces bulles et les stabilise dans le mélange.

Ces bulles d’air vont se remplir de vapeur d’eau pendant la cuisson et donner une pâte très aérée et friable (pensez à la mie du pain).

représentation schématique du crémage
représentation schématique du crémage

Cette méthode est indispensable pour les biscuits sablés et pour les pâtes sablées que l’on veut épaisses, pour les tartes aux fraises par exemple. 

D’ailleurs, de nombreuses recettes recommandent même l’ajout de levure chimique pour les sablés ou palets bretons, pour un résultat encore plus aéré.

Le crémage est cependant difficile à réaliser sans robot, et pour des petites quantités.

Pour notre tarte aux pralines, on veut une pâte très fine et pas trop friable, pour pouvoir tenir la crème aux pralines. Donc le crémage n’est pas recommandé.

Le sablage

Comme nous l’avons vu dans l’article sur les tortillas de blé, le sablage consiste à frotter le beurre et les éléments secs (farine, sucre, poudre d’amande) pour créer des petits morceaux de beurre entourés de farine.

représentation schématique du sablage de la farine

Le beurre s’intercale entre les protéines du gluten pour éviter la création de longues chaînes.

la matière grasse du beurre empêche la formation de longues chaînes de protéines du gluten

Il y a quand même formation d’un réseau faible de gluten, utile pour la structure de la pâte. Si on ne travaille pas trop la pâte, le réseau de gluten n’est pas trop développé et la pâte reste friable après la cuisson.

Le caramel aux pralines

Les pralines sont des confiseries à base d’amandes ou de cacahuètes enrobées de sucre cuit. Elles sont brunes (comme les pralines que l’on trouve dans les fêtes foraines) ou roses quand elles ont été colorées.

On peut les manger entières comme des bonbons, ou les utiliser concassées dans les brioches aux pralines, les pralulines ou les tartes aux pralines.

pralines entières (à gauche) ou concassées (à droite)

Le caramel a été produit lors de la fabrication des pralines et a cristallisé en refroidissant.

Pour obtenir un caramel crémeux pour notre tarte, on chauffe les pralines concassées avec de la crème (qui contient essentiellement de l’eau).

  • dans un premier temps, l’eau de la crème va casser les cristaux de sucre caramélisé et détendre le caramel. C’est comme pour la production de caramel au beurre salé.
  • ensuite on continue à chauffer pour évaporer l’eau et obtenir la bonne texture.

Souvenez-vous que tant qu’il y a de l’eau libre dans le mélange, la température maximum sera de 100° C, car toute l’énergie apportée sert à évaporer l’eau libre.

Quand il n’y a plus d’eau libre, la température du sirop augmente lentement car il faut de plus en plus d’énergie pour casser les liaisons entre l’eau et le sucre.

moins il y a d’eau, plus la température d’ébullition augmente

La bonne température pour notre crème à la praline est de 112°C.

Quelles implications en cuisine ?


Utilisez de la farine avec peu de protéines

Comme le taux des protéines du gluten n’est pas indiqué sur les emballages, fiez-vous au pourcentage total des protéines, et choisissez une farine qui en contient peu, entre 8 et 9 g pour 100 g de farine.

Utilisez du beurre bien froid pour le sablage :

Plus le beurre est froid, plus l’eau sera emprisonnée dans la matière grasse, et moins elle pourra favoriser le développement du réseau de gluten pendant le sablage.

Utilisez du sucre glace

Souvenez-vous qu’on veut que le sucre se dissolve rapidement et « capture » l’eau du beurre pour éviter qu’elle ne développe le réseau de gluten. Le sucre glace se dissout plus rapidement que le sucre en morceaux.

Si vous n’avez pas de sucre glace, vous pouvez passer votre sucre en poudre ou en morceaux dans un mixer.

Formez un disque épais

La plupart des recettes recommandent de former une boule de pâte avant de la laisser reposer. Le problème des pâtes qui contiennent beaucoup de beurre c’est qu’elles durcissent au froid à cause du beurre.

Du coup, soit elles se déchirent quand on veut les étaler, soit il faut les laisser se réchauffer au risque que le beurre ne fonde.

Je recommande le former un disque épais avant de laisser la pâte reposer au frais. Ainsi elle aura déjà la forme qu’on souhaite, et l’étalement sera plus facile et rapide.

Laissez la pâte reposer au moins 1h au frais

Contrairement à ce qu’on lit trop souvent, l’objectif du repos de la pâte n’est pas de laisser le beurre refroidir, mais c’est de laisser le temps à l’eau contenue dans le beurre et dans l’œuf de pénétrer entre les grains d’amidon de la farine.

Rappelez-vous que l’eau pénètre par capillarité, comme le café dans un morceau de sucre. Et ça prend du temps !

Plus l’eau aura pénétré entre les grains d’amidon, plus elle pourra les empeser pendant la cuisson, et plus la pâte aura de la tenue après la cuisson. Sinon, vous risquez d’avoir un crumble !

Et en plus l’étalement sera plus facile.

Quelques minutes au congélateur avant la cuisson

Plus la pâte sera froide avant de l’enfourner, plus l’eau du beurre aura le temps d’empeser les grains d’amidon au lieu de s’évaporer. Sinon, la pâte risque d’être trop friable.

Faites bien préchauffer votre four

Il est important que le four soit à la bonne température quand vous enfournez votre tarte. Sinon, le beurre va fondre avant que les protéines ne commencent à coaguler, et la pâte sera dure (à cause du gluten) et friable (le beurre ne soudera pas les grains d’amidon).

Ne cuisez pas à trop haute température

Beaucoup de recettes recommandent de cuire la pâte à blanc à haute température (190° à 200° C) pendant un temps court. C’est une erreur car il faut laisser le temps à l’eau d’empeser les grains d’amidon.

Je recommande une température de 170° C pendant 15 mn avec le papier d’aluminium et les poids, puis 15 mn à découvert.

Utilisez du papier d’aluminium pour la cuisson à blanc

La cuisson à blanc est la cuisson de la pâte « vide ». La plupart des recettes recommandent de mettre des poids (billes de céramique, pois chiches, riz, sucre, farine, etc.) sur du papier de cuisson pour éviter que la pâte ne gonfle pendant la cuisson.

Je recommande de couvrir la pâte avec du papier d’aluminium qui conduit mieux la chaleur que le papier de cuisson. Ainsi le dessus de la pâte cuira aussi bien que le dessous.

La recette


La recette que je vous propose est le résultat de plusieurs essais pour obtenir une tarte à la praline avec une pâte et une crème fines, proche de celle qui a fait le succès de la maison Jocteur à Lyon.

Les ingrédients

Pour la pâte : ces quantités sont pour 2 cercles de 18 cm de diamètre. Il est plus facile de préparer cette quantité et de garder la moitié de la pâte au congélateur

  • 210 g de farine
  • 125 g de beurre bien froid, coupé en petits morceaux
  • 25 g de poudre d’amande
  • 50 g d’œuf (1 oeuf entier moyen)
  • 35 g de sucre glace

Pour la crème aux pralines : ces quantités sont pour 1 tarte de 18 cm de diamètre. C’est suffisant pour 8 personnes.

  • 150 g de pralines concassées (elles sont moins chères que les pralines entières. Si vous ne trouvez que des pralines entières, il faudra les concasser au mixeur. Sinon, vous aurez des grosses amandes sur votre tarte, ce qui n’est pas très agréable
  • 150 g de crème fraîche épaisse entière (33% de matière grasse)

La préparation

Pour la pâte sablée

  • Mettez les ingrédients secs (farine, poudre d’amande, sucre) dans un récipient et mélangez les bien.
  • Ajoutez les morceaux de beurre bien froids et mélangez.
  • Frottez les morceaux de beurre entre vos doigts pour former un sable fin.
  • Formez un puit au centre du tas de sable et versez-y l’œuf battu. Amalgamez rapidement avec une corne ou le dos d’une cuillère en bois ou d’une maryse (attention, j’y ai laissé quelques manches de maryse !).
  • Séparez la pâte en 2 moitiés. Formez à la main 2 disques de 1 cm d’épaisseur et enveloppez les dans un film plastique. Mettez-en un au congélateur pour une autre tarte et laissez l’autre reposer au réfrigérateur pendant au moins 1h.
  • Après le repos, faites préchauffer votre four à 170° C sur chaleur tournante.
  • Mettez le disque de pâte entre 2 feuilles de papier cuisson et étalez-le sur une épaisseur de 2 à 3 mm. La pâte sera un peu dure au début mais elle va s’assouplir à mesure que le beurre va se réchauffer. Soyez doux et patient !
  • Souvenez-vous qu’on veut une tarte fine et sans rebord. Mettez votre pâte dans le moule avec un papier cuisson dessous.
  • Piquez votre pâte avec une fourchette (pour éviter que des bulles de vapeur ne la fassent gonfler). Recouvrez la pâte de papier d’aluminium et recouvrez des poids de cuisson (billes de céramique, pois chiche, fèves, riz, farine, sucre, etc.)
  • Enfournez dans le four préchauffé à 170° C pour 15 mn. Au bout de 15 mn, sortez la pâte et enlevez les poids et le papier d’aluminium. Remettez à cuire pour 15 mn ou jusqu’à ce la pâte ait une belle couleur légèrement foncée.
  • Sortez le moule et laissez la pâte refroidir. Attention : à ce stade la pâte est fragile parce que le beurre est fondu. C’est en refroidissant que le beurre cimentera les grains d’amidon entre eux.

Pour la crème aux pralines : pendant que la pâte refroidit

  • Dans une casserole à fond épais, versez les 150 g de crème épaisse et les 150 g de pralines concassées. Faites chauffer à feu moyen en remuant régulièrement.
  • Laissez bouillir jusqu’à ce que la température atteigne 112° C. Ca devrait prendre une 15aine de mn.
  • Versez le caramel sur la pâte cuite. Elle va s’étaler toute seule pour couvrir la surface uniformément.
  • Laissez refroidir à température ambiante avant de servir.

Les références

Les documents suivants m’ont aidé à écrire cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés

  1. La cuisine de Bernard : tarte aux pralines roses
  2. je pense donc je cuis : tout le monde peut réussir sa pâte à tartes
  3. Emile Burzawa: la cristallisation du sucre