Si vous voulez faires des chocolats maison pour Pâques ou d’autres occasions, il faut absolument que vous compreniez et maitrisiez le tempérage du chocolat. C’est grâce à lui que vous obtiendrez de jolis chocolats brillants et cassants.
Même si on n’atteint pas la perfection d’un maitre chocolatier, on peut facilement obtenir des résultats très satisfaisants avec du matériel de base.
La version courte
Le tempérage du chocolat consiste à obtenir des cristaux de beurre de cacao (de type V ou β) qui donnent au chocolat un aspect brillant et une structure cassante.
On peut obtenir un résultat satisfaisant assez facilement ! Il faut juste un thermomètre de cuisine.
- Hachez le chocolat pour qu’il fonde plus rapidement et uniformément.
- Faites fondre 2/3 du chocolat haché autour de 50 – 55°C dans un saladier posé sur une casserole d’eau bouillante. Pour le chocolat au lait et le chocolat blanc, les températures sont différentes
- Hors du feu, ajoutez le 1/3 restant de chocolat haché, remuez bien et faites refroidir jusqu’à 26-27°C.
- Remettez le saladier sur le bain-marie pour remonter la température et la maintenir à 31-32° C.
Et voilà ! Vous avez un chocolat liquide qui ne contient presque que des cristaux de type V qui donneront un chocolat brillant et cassant quand il aura refroidi.
Il ne vous reste plus qu’à en remplir des moules en silicone (pour des mendiants ou des petits poissons) ou des coques que vous garnirez ensuite d’une ganache pour des bouchées de chocolats fourrés.
A la fin de cet article, je vous propose quelques recettes de bouchées au chocolat faites d’une coque de chocolat tempéré et d’une ganache parfumée. A vous d’inventer de nouveaux mélanges !
Que nous dit la science ?
Le chocolat
Comme nous l’avons vu dans un précédent article sur la sauce au chocolat inratable, le chocolat est un mélange (une dispersion) de 2 phases qui normalement ne se mélangent pas : une phase solide (des particules de cacao et du sucre) dispersée dans une autre phase (solide à température ambiante), le beurre de cacao.
Le tempérage
Quand vous achetez une plaquette de chocolat, il est brillant et cassant, et il fond délicatement dans la bouche (et pas dans la main). C’est parce qu’il a été tempéré avant d’être moulé en plaquette ou en pistole.
Si vous faites fondre ce chocolat et que vous le laissez simplement refroidir, vous obtenez une masse terne et granuleuse, avec des traces blanches. C’est ce qui arrive à du chocolat qui a fondu au soleil.
Sans rentrer dans trop de détails techniques, il faut savoir que la matière grasse du chocolat (le beurre de cacao) est constituée de molécules différentes (des triglycérides).
Ces molécules fondent à des températures différentes, et se solidifient en cristaux de formes différentes.
L’objectif du tempérage est de favoriser la formation de cristaux de type V (ou béta). Comme ces cristaux sont bien organisés, le chocolat est brillant et cassant sans être trop dur, et il n’y a pas de traces blanches à la surface du chocolat.
La cristallisation
Comme nous l’avons vu dans un précédent article sur les sorbets, les cristaux se forment en imitant la forme de cristaux déjà présents (nucléation).
Le tempérage du chocolat s’appuie sur cette capacité d’imitation et se fait en 3 étapes qui suivent une courbe de température qu’on appelle la courbe de cristallisation
- on fait fondre le chocolat : tous les cristaux disparaissent.
- on refroidit le chocolat jusqu’à la température de fusion des cristaux de type IV (27°C pour le chocolat noir) : des cristaux de type IV et V se forment.
- on chauffe légèrement : seuls quelques cristaux de type V restent. Et quand le chocolat va refroidir, tous les cristaux de matière grasse imiteront les cristaux de type V.
Les professionnels suivent des courbes de cristallisation qui sont fournies par les producteurs de chocolat, et spécifiques des variétés qu’ils utilisent.
A la maison, on peut se contenter de suivre des courbes standards.
La fraicheur en bouche
La sensation de fraicheur en bouche quand on mange du chocolat s’explique par l’énergie « volée » par le chocolat à votre bouche pour fondre.
Elle est supérieure pour le chocolat noir (76 J/g) par rapport au chocolat au lait (17 J/g) ou au chocolat blanc (16 J/g) .
Quelles implications en cuisine ?
Tempérer le chocolat simplement
Il existe de nombreuses méthodes plus ou moins complexes pour tempérer le chocolat (tablage, ensemencement, Mycryo). Vous trouverez de nombreux détails sur le net
La méthode que je recommande est la méthode dite par ensemencement, ou 2/3 – 1/3. En mélangeant du chocolat (tempéré) haché au chocolat fondu, on apporte plein de cristaux de type V que leurs petits camarades vont se dépêcher d’imiter :
- on fait fondre 2/3 du chocolat haché dans un bain-marie
- hors du feu, on ajoute le 1/3 restant de chocolat et on fait descendre la température à la température de cristallisation
- on remet le chocolat quelques instants sur le bain-marie pour remonter à la température d’utilisation
Le choix du chocolat
Beaucoup de recettes recommandent d’utiliser du chocolat de couverture pour réaliser des chocolats maison.
Le chocolat de couverture est un chocolat qui contient au moins 31% de beurre de cacao et au moins 2,5% de cacao sec. Sa forte teneur en beurre de cacao le rend plus fluide quand il est fondu et lui permet de mieux enrober les gâteaux et les confiseries, d’où son nom.
Les meilleurs chocolats de couverture contiennent plus de 16% de cacao sec dégraissé. Comme nous l’avons vu dans l’article sur la sauce au chocolat, le % de cacao indiqué sur les étiquettes des plaquettes de chocolat indique le poids du beurre de cacao + celui du cacao sec. Et c’est le cacao sec qui donne le goût de chocolat.
En réalité, beaucoup de chocolats pâtissiers sont des chocolats de couverture qui ne le disent pas. Pas besoin d’acheter sur Internet ou de chercher un fournisseur pour les professionnels !
Comment savoir si un chocolat (au beurre de cacao exclusivement) est un bon chocolat de couverture ?
Regardez sur l’étiquette le % de cacao et le % de matières grasses. Soustrayez le % de matière grasse du % de cacao : vous obtenez le % de cacao sec dégraissé.
En comparant 3 chocolats pâtissiers de la marque Nestlé (je jure que je n’ai aucun lien commercial avec eux) avec des chocolats vendus comme chocolats de couverture, on constate qu’ils sont tous les 3 des chocolats de couverture (matière grasse > 31%).
J’ai testé le chocolat Noir et le chocolat Noir Absolu, et je confirme que le Noir Absolu (qui contient plus de matières grasses et moins de sucre) est plus fluide et facile à travailler.
Les clés de la réussite
Utilisez des moules en silicone ou en polycarbonate
Ils donnent des chocolats brillants (je n’ai pas trouvé la raison scientifique. Je cherche …) et sont faciles à démouler.
Evitez les moules en papier ou en plastique (type moules à glaçons) pour les chocolats fourrés. Il est très difficile de sortir les coques de ces moules.
Travaillez avec des moules propres et secs
Souvenez-vous qu’une petite quantité d’eau peut faire grainer votre chocolat (voir l’article sur la sauce au chocolat).
Et s’il reste des traces de gras sur les moules, ils seront visibles sur vos chocolats.
Laissez le temps au chocolat de cristalliser
La formation des cristaux prend du temps. Résistez à la tentation de mettre vos chocolats au réfrigérateur. Il vaut mieux les laisser tranquillement cristalliser dans une pièce entre 15°C et 20°C.
S’il fait chaud, un petit passage « rapide » par le frigo est toléré, mais il ne faut pas qu’il y reste des heures !
Testez votre chocolat tempéré
Après tous vos efforts, il serait dommage de constater trop tard que votre tempérage n’a pas été bien fait.
Avant de réaliser vos chocolats ou vos coques, vous devez tester votre chocolat tempéré :
- Prenez une languette de papier cuisson ou un couteau large et trempez les dans le chocolat tempéré pour récupérer une couche mince.
- Attendez quelques minutes que la cristallisation se fasse. Si le chocolat durcit et que sa surface est brillante, vous avez réussi le tempérage.
- S’il est terne et présente des traces blanches, ou qu’il reste liquide, il faut recommencer l’opération.
Maintenez la température d’utilisation
Pendant que vous préparez vos coques ou vos chocolats, il est possible que la température du chocolat baisse un peu et qu’il épaississe.
Ne le remettez surtout pas sur le bain-marie, car vous risquez de faire fondre tous les cristaux et de vous retrouver à la case départ. Vous pouvez
- soit faire fondre une petite quantité de ce chocolat (au bain-marie) et la mélanger au chocolat tempéré,
- soit chauffer la surface du chocolat avec un sèche-cheveux.
Les principaux problèmes et leur solution
Le chocolat ne cristallise pas sur la languette. Il reste liquide ou n’est pas brillant.
Recommencez le processus
Le chocolat est épais à la température d’utilisation
C’est ce qu’on appelle la sur-cristallisation. Vous avez probablement trop refroidi le chocolat après la fonte, et il contient trop de cristaux. Il faut relancer le processus.
Les recettes
Considérez les recettes que je vous propose comme des bases. A vous d’inventer d’autres mélanges !
Le matériel
Vous aurez besoin d’un thermomètre de cuisine et de moules en silicone pour les coques
Ingrédients pour 10 bouchées
+/- en fonction de la taille des moules
Préparation des coques
- Hachez le chocolat le plus finement possible
- Préparez un bain-marie en superposant un saladier en verre ou en métal (cul de poule) sur une casserole d’eau. Assurez-vous que l’eau ne touche pas le fond du saladier.
- Mettez les 2/3 du chocolat haché dans le saladier. Faites chauffer l’eau dans la casserole à feu doux et laissez le chocolat fondre en remuant. Quand le chocolat atteint 50° à 55°C, retirez le saladier du bain-marie.
- Ajoutez le 1/3 restant de chocolat haché et remuez. Faites redescendre la température à 27°C. Pour accélérer le refroidissement vous pouvez placer le saladier sur un autre saladier rempli d’eau froide.
- Replacez le saladier quelques secondes sur le bain-marie à feu doux pour faire remonter la température entre 30 et 33°C. Le chocolat est maintenant prêt à être utilisé.
- Conservez le saladier sur la casserole hors du feu.
- Remplissez les moules en silicone à moitié. Faites tourner chaque moule pour le napper de chocolat, et versez le trop plein dans le saladier.
- Laissez les coques refroidir à température ambiante pendant que vous préparez la ganache.
Ganache chocolat, citron vert et gingembre
- Mettez 70 ml d’eau et 10 g de sucre en poudre dans une casserole et portez à ébullition. Ajoutez les zestes de citron et laissez-les confire à feu doux pendant 8 mn.
- Retirez les zestes et égouttez-les
- Faites chauffer 80 ml de crème liquide jusqu’à frémissement. Versez-la sur les 80g de chocolat haché. Laissez le chocolat fondre 2 à 3 mn puis remuez avec une spatule ou une cuillère en bois pour obtenir un mélange homogène.
- Ajoutez 2/3 des zestes de citron confits, le gingembre et la moitié du jus de citron. Mélangez et laissez refroidir qq minutes.
- Avec une petite cuillère, garnissez les coques avec la ganache jusqu’à 3 mm du bord.
- Recouvrez avec le chocolat réservé au bain-marie (en le faisant couler d’une cuillère). Décorez avec le reste des zestes.
- Laissez prendre qq heures à température ambiante puis démoulez.
Ganache chocolat noir, piment d’Espelette et baies roses
- Faites chauffer 80 ml de crème liquide jusqu’à frémissement. Versez-la sur les 80g de chocolat haché. Laissez le chocolat fondre 2 à 3 mn puis remuez avec une spatule ou une cuillère en bois pour obtenir un mélange homogène.
- Incorporez 1/4 cc de piment d’Espelette et 1 cc de baies roses concassées.
- Avec une petite cuillère, garnissez les coques avec la ganache jusqu’à 3 mm du bord.
- Recouvrez avec le chocolat réservé au bain-marie (en le faisant couler d’une cuillère). Décorez les coques avec un peu de baies roses concassées.
- Laissez prendre qq heures à température ambiante puis démoulez.
Ganache chocolat noir et framboise
- Faites chauffer 80 ml de crème liquide jusqu’à frémissement. Versez-la sur les 80g de chocolat haché. Laissez le chocolat fondre 2 à 3 mn puis remuez avec une spatule ou une cuillère en bois pour obtenir un mélange homogène.
- Incorporez les 60g de confiture de framboises
- Avec une petite cuillère, garnissez les coques avec la ganache jusqu’à 3 mm du bord.
- Recouvrez avec le chocolat réservé au bain-marie (en le faisant couler d’une cuillère).
- Laissez prendre qq heures à température ambiante puis démoulez.
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.
- Chocolate Alchemy: Tempering – Deconstruction and reconstruction & illustrated tempering
- Compound Interest : the polymorphs of chocolate
- the french pâtissier : tempérage du chocolat : pourquoi le faire et comment s’y prendre pour le réussir à tous les coups.
- de Buyer : le tempérage du chocolat
Bonjour. Merci pour l'idée de la casserole bain-marie. J'ai essayé mais c'est plus difficile de contrôler la température en raison de la chaleur résiduelle de l'eau dans la paroi. Je trouve l'utilisation des saladiers au dessus d'une casserole d'eau plus facile.
Waouh pour une "chocoholique" comme moi, c'est passionnant, merci !
Si vous en faites régulièrement, je vous recommande les casseroles bain-marie, bien pratiques pour faire fondre le chocolat, telles que celle-là : https://www.mathon.fr/cat-cuisson/casseroles/Mathon-Casserole-bain-marie-inox-induction-PID673061.aspx