En apparence, la recette de la panna cotta est très simple : on fait chauffer un mélange de lait, de crème et de sucre, on ajoute de la gélatine, et on laisse prendre au froid.
Pourtant, on a tous connu des moments d’extase en dégustant une panna cotta souple et onctueuse … et de grandes déceptions avec une panna cotta dure comme un flan, ou liquide comme un fromage blanc.
La version courte
Le secret pour réussir les panna cotta, c’est de « maîtriser » la gélatine, et d’avoir les bonnes proportions.
Pour la gélatine, il faut bien choisir sa force. Vérifiez celle de la recette originale et celle de votre gélatine, et faites un petit calcul si nécessaire.
Il faut aussi l’hydrater suffisamment longtemps (au moins 10 mn), la faire chauffer délicatement entre 40°C et 60°C, et la laisser refroidir doucement avant de lui ajouter la préparation froide.
On ne fait jamais bouillir la gélatine, et on ajoute la préparation froide à la gélatine chaude, jamais l’inverse !
Les bonnes proportions : comptez 1g de gélatine qualité or (200 blooms) pour 100 ml de préparation, 1/3 de lait, 2/3 de crème, et 10g de sucre en poudre pour 100 ml de préparation.
A la fin de cet article vous trouverez une recette testée et approuvée après de nombreux essais comparatifs (merci Princesse !)
Que nous dit la science ?
La gélatine
La gélatine est une protéine naturelle, issue de tissus animaux riches en collagène. Pour ceux qui ne mangent pas de viande ni de porc, il existe de la gélatine de poisson.
Il faut imaginer les molécules de gélatine comme des fils torsadés et repliés sur eux-mêmes. Quand on les plonge dans un liquide chaud, ils se déplient. Puis, quand le liquide refroidit, les fils s’attachent les uns aux autres et forment une sorte de filet en 3 dimensions dans lequel le liquide est piégé : c’est un gel (pensez au bouillon d’un pot-au-feu qui forme une masse quand il est froid).
Comme ce phénomène est réversible, la panna cotta fond littéralement dans la bouche (qui est à 37°C) quand on la mange. Et c’est ce que l’on recherche (sinon, on mange un Flamby !)
Feuille ou poudre, c’est pareil !
On trouve de la gélatine sous forme de feuilles ou de poudre. En Europe, on trouve surtout des feuilles. En Amérique du nord, c’est principalement de la poudre.
Dans tous les cas, on utilise le même poids sec de gélatine en poudre ou en feuilles.
La force de la gélatine
La force de la gélatine indique sa capacité à former un gel. Elle s’exprime en « degrés blooms ». Plus ce chiffre est élevé, plus le gel formé sera ferme pour une même quantité de gélatine.
C’est l’information la plus importante pour l’utilisation de la gélatine en cuisine. Elle est indiquée sur les emballages pour les professionnels (200 blooms dans la photo)
Mais malheureusement pas sur les emballages pour le grand public. On se demande bien pourquoi !
Heureusement, certaines marques indiquent des qualités (or, argent, bronze) de leur gélatine. Ces qualités correspondent au degré bloom : 200 pour la qualité or (la plus fréquente), 160 pour la qualité argent et 140 pour la qualité bronze.
Là où ça se complique, c’est que si vous utilisez une recette américaine (ou que l’auteur de la recette l’a simplement recopiée), il est très probable que la gélatine soit de la poudre de la marque Knox qui a un degré bloom de 225.
Et à poids égal, une gélatine à 200 produira un gel moins fort qu’une gélatine à 225 … et la panna cotta sera plus molle !
Comment convertir ? Le plus simple, c’est de faire une règle de 3. Si la recette prévoit 10g de gélatine à 225, et que vous n’avez que de la gélatine à 200, il faudra en mettre 11g (= 10 x 225/200).
J’ai découvert qu’il y a un vrai débat d’experts sur le sujet, certains recommandant d’utiliser la racine carrée du rapport des degrés bloom plutôt que le rapport lui même. Je vous épargne les calculs !
Le sucre ajouté modifie la dureté de la panna cotta
Dans un précédent article sur les pâtes à tartes, on a vu que le sucre capte l’eau. C’est ce qu’on appelle l’effet sucre.
Il va se passer la même chose dans notre panna cotta : plus on ajoute de sucre, plus il y aura d’eau liée au sucre, et plus la panna cotta sera dure. Et si on ne met pas assez de sucre, la panna cotta sera molle.
La bonne proportion semble être de 10g de sucre en poudre pour 100 ml de préparation.
Quelles implications en cuisine ?
Chauffez la gélatine, mais pas trop
La gélatine doit être « fondue » entre 40°C et 60°C. En-dessous de 40°C, elle ne fond pas bien (les fils ne se déroulent pas suffisamment). Au-dessus de 60°C, elle perd de son pouvoir gélifiant.
Donc, et contrairement à ce que l’on trouve dans de nombreuses recettes (dont on se demande d’ailleurs si leurs auteurs les ont réellement essayées), on ne fait jamais bouillir la gélatine, et on ne la verse pas dans la crème qui vient de bouillir !
Refroidissez la gélatine progressivement
Si on verse la gélatine chauffée (entre 40°C et 60°C) dans une préparation froide, elle va faire des grumeaux, et le gel sera fragile. La panna cotta va « transpirer » pendant la prise dans le réfrigérateur.
- Si vous avez le temps, laissez la gélatine chauffée revenir à température ambiante avant de la mélanger à la préparation froide.
- Sinon, mélangez de petites quantités de la préparation froide dans la gélatine chaude jusqu’à ce qu’elle soit à température ambiante. Puis vous pouvez l’incorporer dans le reste de la préparation.
Attention : toujours ajouter la préparation froide à la gélatine chaude, et non l’inverse !
Feuille ou poudre ?
Il n’y a aucune différence ! Si votre recette prévoit de la gélatine en poudre, et que vous n’avez que de la gélatine en feuille – ou inversement -, pas de problème.
Vous pouvez utiliser le même poids sec de l’une au de l’autre indifféremment.
Pour la gélatine en poudre
Il faut d’abord l’hydrater dans 6 à 7 fois son poids en eau froide : par exemple pour 10g de gélatine en poudre, il faudra la saupoudrer dans 60g d’eau froide (12 cuillères à café ou 4 CS) et laisser gonfler pendant au moins 10 mn. Vous obtiendrez une sorte de pâte qu’on appelle la masse gélatine
Pour la gélatine en feuille
Il faut l’hydrater en la faisant tremper dans de l’eau froide pendant au moins 10 mn. Puis il faut bien l’essorer en la pressant entre ses doigts avant de la mettre dans la préparation chaude.
Les bonnes proportions
Si vous voulez créer votre propre recette de panna cotta, ou que vous voulez vérifier la faisabilité d’une recette avant de vous lancer, voici la « formule magique » pour 100 g de préparation
- Gélatine (qualité Or ou 200 blooms) : 1g
- sucre en poudre: 10g
- Lait entier : 1/3 (33 ml)
- Crème entière: 1/3 (33 ml)
- autres produits « gras » (lait de coco, crème, mascarpone, yaourth, etc.): 1/3 (33 ml).
La recette
Après avoir recherché et comparé une vingtaine de recettes trouvées sur internet et dans différents livres de cuisine, je partage avec vous une recette qui a fait ses preuves et passé « le test de Margaud ».
Et maintenant que vous avez la « formule magique », pourquoi ne pas inventer votre propre recette et la partager avec nous ?
Ingrédients
Pour 6 verrines de 15 cl (900 ml de préparation en tout)
- 9g de gélatine qualité Or (200 blooms), ou 5 feuilles de 1.88g
- 30 cl de lait entier
- 30 cl de crème entière liquide
- 30 cl de produits laitiers (lait de coco, mascarpone, crème, yaourt, etc.)
- 90g de sucre en poudre
Préparation
- Hydratez la gélatine : si vous utilisez des feuilles, laissez-les tremper 10 mn dans de l’eau froide. Si vous utilisez de la gélatine en poudre, mettez 60 ml d’eau froide dans un récipient et saupoudrez les 9g de gélatine en poudre. Laissez gonfler pendant 10 mn.
- Préparez votre base : mélangez ensemble les 30 cl de lait et les 30 cl de produits « gras »que vous avez choisis (lait de coco, mascarpone, crème entière, yaourt, …).
- Faire dissoudre le sucre : dans une casserole versez le sucre et 30 cl de crème. Faites chauffer jusqu’à frémissement et laissez chauffer 1 mn en remuant pour bien dissoudre le sucre.
- Si vous voulez parfumer votre panna cotta (romarin, basilic, estragon, zestes, vanille, etc.) c’est le moment. Laissez infuser dans la crème chaude et sucrée pendant au moins 30 mn, puis filtrez à travers une passoire.
- Faire « fondre » la gélatine : si la crème sucrée est froide (notamment si vous avez infusé des parfums), faites la légèrement chauffer (entre 40°C et 60°C).
- Si vous utilisez de la gélatine en feuille, pressez-la dans votre main avant de la verser dans la crème.
- Si vous utilisez de la gélatine en poudre, versez la masse dans la crème chaude. Remuez bien pour dissoudre la gélatine.
- Refroidissez progressivement la gélatine : si vous avez le temps, laissez la préparation contenant la gélatine refroidir à température ambiante pendant 1h, avant de la mélanger à la base. Sinon, versez progressivement la base froide dans la préparation chaude contenant la gélatine.
- Prise au froid: versez la préparation dans des ramequins et faites prendre au réfrigérateur au moins 4 heures. La prise maximale de la panna cotta est obtenue au bout de 12h.
Et si vous voulez donner un joli effet visuel à vos panna cotta, vous pouvez incliner les verres dans une boite à œuf, ou sur un autre verre.
Au moment de servir, vous n’aurez plus qu’à remplir les verres avec un coulis de fruits.
Si vous voulez servir vos panna cotta sur assiette, faites tremper qq instants le fond des verrines dans de l’eau chaude. Les panna cotta se démouleront toutes seules !
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés !
- Luna cafe : Mastering Panna Cotta – with 6 variations
- blog les délices de Luna
- The California cook : cracking the code of panna cotta
Bonjour et merci pour votre blog passionnant ! Je reste un peu sur ma faim (l’effet panna cotta) quand à l’utilisation de la gélatine mais cette fois dans des mousse aux fruits. En effet l’acidité change les propriétés de la gélatine et je l’ai expérimenté à mes dépends (mousse au citron façon flaque). J’ai de façon empirique réussi à trouver des proportions mais j’aimerais bien une formule qui permette de mettre au point les mousses acides (au cassis, pamplemousse…) sans passer par l’épisode ‘flaque’. Si le sujet vous inspire … On ne sais jamais ?
Bonjour,
Merci pour votre message et vos gentils mots. C’est très encourageant !
Je m’intéresse depuis longtemps aux mousses de fruits acides, et notamment de citrons,mais je n’ai pas encore trouvé de technique ni de recette « parfaite ». Il y a des recettes avec des oeufs, de la crème et du sucre, mais elles sont trop riches à mon goût et ont plutôt une structure molle et crémeuse. Et si on utilise d’autres gélifiants (pectine, agar-agar), elles sont trop dures.
Je continue à chercher !
Cordialement,
merci d avance pour vos conseils! que risque t on si on fait un peu bouillir la gelatine???je veux dire au point de vue sante????
Bonjour,
Merci pour votre question. Il n’y a aucun risque « sanitaire » à faire bouillir la gélatine. La seule conséquence sera qu’elle sera moins gélifiante et que la panna cotta sera moins prise.
Cordialement,
Bonjour. L’objectif de faire chauffer le 1/3 de crème est essentiellement de faire dissoudre le sucre, et éventuellement de faire infuser des saveurs (vanille par exemple). Faire chauffer les deux autres tiers n’apporterait rien, et pourrait altérer leur goût. J’espère avoir répondu à votre question.
Bonjour,
Merci beaucoup pour vos articles en général, et pour celui-ci en particulier qui m'a permis de connaître précisément le dosage en gélatine en grammes (et non en feuilles, dont le poids varie selon les marques !). En revanche, il y a quelque chose qui m'échappe. Pourquoi est-ce qu'on ne mélange pas les 3/3 de lait et de crèmes dès le départ ? On les ferait chauffer, puis redescendre à 60°C pour ajouter la gélatine. Ce serait plus simple – ou il y a un élément que j'oublie ?
Merci
Bonjour Christophe. Désolé pour le retard de ma réponse. Votre commentaire m'a "échappé".
On peut (et on doit) mettre la gélatine (froide) dans une préparation chaude (entre 40 et 60°C) pour qu'elle se dissolve. C'est ensuite, quand elle est dissoute et chaude qu'il faut y ajouter progressivement la préparation froide, ou mieux attendre que le mélange contenant la gélatine refroidisse à température ambiante.
L'objectif de ces précautions est d'éviter que la gélatine ne fasse des grumeaux, et de l'aider à former un gel "équilibré" en emprisonnant le liquide froid.
J'espère que cela répond à votre question.
Bonjour, à un moment vous dites :
"Attention : toujours ajouter la préparation froide à la gélatine chaude, et non l'inverse !"
et ensuite :
"Pour la gélatine en feuille: il faut l’hydrater en la faisant tremper dans de l’eau froide pendant au moins 10 mn. Puis il faut bien l’essorer en la pressant entre ses doigts avant de la mettre dans la préparation chaude."
Donc on peut mettre directement la gélatine froide dans une préparation chaude (dans l'idéal qui serait entre 40 et 60degC), ou pas ?!
En tout cas, merci pour votre blog toujours très intéressant.
Christophe de Toulouse.