Tout le monde peut réussir de délicieux sorbets maison, même sans sorbetière ! Il faut juste des fruits, du sucre, de l’air, et du froid.
La clé de la réussite, c’est la patience et quelques gestes simples pour maîtriser la formation des cristaux la glace, et obtenir des sorbets légers et onctueux.
La version courte
La base du sorbet, c’est une purée de fruits, obtenue en passant les fruits au mixeur.
Ensuite, il faut du sucre, pour qu’il soit onctueux : 20% du poids de la purée, ou 1/4 du volume de la purée. Pour des fruits très épais (bananes, poires), il faudra faire un sirop de sucre. C’est très simple, et je vous donne une recette.
Il faut que la préparation soit la plus froide possible avant de la mettre dans la sorbetière, pour que les cristaux de glace soient les plus petits possible. En congelant une petite quantité de sorbet, et en la mélangeant à la préparation avant le passage à la sorbetière, vous augmentez vos chances d’avoir des petits cristaux.
Vous pouvez facilement faire des sorbets sans sorbetière. Je vous donne la marche à suivre.
Les sorbets durcissent dans le temps. Consommez-les rapidement. Et s’ils deviennent trop durs, laissez-les fondre et recommencez !
Que nous dit la science ?
Sorbets, Glaces et Crèmes glacées
Il existe des normes très précises pour distinguer les « glaces » :
- les sorbets sont des mélanges glacés de fruits, de sucre et d’eau, qui ne contient aucune matière grasse.
- les glaces sont des mélanges glacés de lait et/ou d’ingrédients à base d’œufs et/ou d’ingrédients d’origine végétale et/ou de gélatine et de sucre.
- les crèmes glacées sont des mélanges glacés de lait, de crème et de sucre. Elles doivent contenir au moins 5% de matières grasses laitières.
Un sorbet, c’est donc simplement un mélange de cristaux de glace, de bulles d’air, et d’eau sucrée.
La difficulté, c’est de maîtriser ces 3 éléments pour un résultat parfait !
- les cristaux de glace sont là pour nous rafraîchir. Ils doivent être les plus petits possible, sinon on aura l’impression de manger de la glace.
- les bulles d’air sont nécessaires pour donner de la légèreté à la glace, et pour limiter la taille des cristaux de glace (en s’intercalant entre eux). Pas assez d’air, et la glace sera lourde. Trop d’air, et on aura l’impression de « manger du vide« .
- l’eau sucrée et la pulpe des fruits sont là pour apporter du goût et de l’onctuosité au sorbet. Ils limitent la taille des cristaux de glace (en abaissant la température de solidification et en créant des espaces entre les cristaux)
La formation des cristaux de glace
Que ce soit dans un sorbet ou dans la nature, la glace se forme en 3 étapes au cours d’une phase dynamique et d’une phase statique.
- pendant la phase dynamique, de minuscules noyaux de glace se forment (nucléation) puis grossissent pour donner des cristaux (cristallisation).
- pendant la phase statique, la glace durcit et les cristaux s’agrègent en blocs de plus en plus gros (recristallisation).
Dans la nature, la phase dynamique, c’est celle qui correspond à la formation des délicats flocons de neige. La phase statique, c’est la transformation de la neige au sol.
La phase dynamique
Pour le sorbet, la phase dynamique c’est la phase de fabrication (à la main ou dans la sorbetière).
Il est important que les cristaux de glace (nucléation) se forment le plus rapidement possible pour avoir des petits cristaux. Car le principe de la formation des cristaux (de glace, de sel, de diamant, etc.), c’est qu’ils se « copient » les uns les autres. Donc si on a des petits cristaux de glace pour commencer, les autres imiteront leur forme et leur taille.
Concrètement pour notre sorbet, il faut que la préparation et la sorbetière soient les plus froides possibles, pour une formation rapide de petits cristaux de glace.
Le graphe montre que dans une préparation qui sort de la sorbetière à -5°C (courbe en bas) les cristaux sont plus petits que dans la même préparation qui sort à -3°C (courbe en haut)
2°C d’écart, ça parait peu, mais c’est très important pour l’onctuosité du sorbet !
C’est le principe des glaces réalisées à l’azote liquide (dont la température est de -179°C), et qui provoque la formation instantanée de très petits cristaux de glace.
La phase statique
Pour le sorbet, la phase statique correspond à son durcissement et à son stockage au congélateur.
Il faut que la température du congélateur soit la plus basse possible, pour ralentir la croissance des cristaux (qui s’arrête à -18°C) et éviter qu’ils forment des blocs (recristallisation).
Il faut donc que le récipient dans lequel on stockera le sorbet soit froid, et que le congélateur soit le plus froid possible. Préférez un emplacement en bas (l’air chaud monte, même dans un congélateur) et au fond (plus froid que devant).
Le sucre ou l’alcool réduisent le nombre et la taille des cristaux de glace
Comme nous l’avons vu dans l’article sur les glaçons, la présence d’éléments dans l’eau (par exemple du sucre, du sel, de l’alcool) gène la formation de la glace.
Dans notre sorbet, la présence (ou l’ajout) de sucre ou d’alcool va diminuer la formation des cristaux de glace (nucléation), et ralentir leur croissance (cristallisation). Le sorbet sera plus doux et onctueux.
Des études ont montré que plus il y a de solutés dans la préparation (par exemple du sucre), plus les cristaux de glace sont petits.
Une concentration totale de 20% à 30% de sucre permet de réaliser un sorbet onctueux dans lequel on peut facilement creuser des boules.
Mais attention ! Si on met trop de sucre ou trop d’alcool, le sorbet ne prendra pas. On aura plutôt une soupe froide !
Sucre ou sirop de sucre ?
Plus les molécules dans la solution sont petites, plus elles pourront se positionner entre les molécules d’eau, et plus elles empêcheront la formation et la croissance des cristaux de glace.
Les fruits contiennent du fructose, qui est une « petite » molécule. Le sucre de table (saccharose) est une grosse molécule, composée de glucose et de fructose. C’est pour cela que la plupart des recettes avec des fruits peu sucrés recommandent de faire un sirop de sucre. C’est ce qu’on appelle aussi le sirop de sucre inverti.
La cuisson du sucre de table va casser les molécules de saccharose, et donner des molécules de glucose et de fructose, plus petites.
C’est très simple de faire du sirop de sucre. Je vous propose une recette à la fin de l’article.
Mais qui dit sirop dit « eau ». Et l’ajout d’eau dilue le bon goût de fruit des sorbets. Donc n’utilisez du sirop de sucre que si votre purée est trop épaisse (bananes ou poires par exemple), ou pas assez sucrés (citron).
Plus les sorbets sont moelleux, plus ils durcissent dans le temps !
Rien n’est simple dans la vie ! Vous avez surement remarqué que les sorbets faits maison ou achetés durcissent quand ils restent longtemps au congélateur.
Grâce au sucre, on évite la formation de gros cristaux de glace. Mais comme le sucre abaisse la température de congélation, il reste beaucoup d’eau « libre », c’est-à-dire pas sous forme de glace.
Pendant le stockage, ou quand on sort le bac pour préparer les coupes de glace, la température augmente. Ensuite, on remet le bac au congélateur, et la température diminue … mais l’eau se transforme en gros morceaux de glace dure (il y a directement une recristallisation).
La solution : déguster les sorbets (et les glaces en général) rapidement !
Il faut de l’air dans un sorbet, mais pas trop !
Pour qu’un sorbet soit moelleux, il doit contenir de l’air !
L’air va gêner la formation et la croissance des cristaux de glace, et donner une texture aérée au sorbet. Et en plus, l’air – qui est un bon isolant – va ralentir la fonte de la glace dans la coupe ou le cornet !
L’incorporation d’air dans un sorbet s’appelle le foisonnement. Il a lieu lors du brassage de la préparation par les pales de la sorbetière, ou par les mouvements du fouet si vous faites vos sorbets à la main (pensez à l’incorporation d’air dans des blancs d’œuf montés en neige).
Un bon sorbet doit contenir 35% d’air. Autrement dit, 1 litre de ce sorbet doit peser 715g. Quand vous achetez des sorbets (ou des glaces), regardez le prix au kg plutôt que le prix au litre ! Les meilleurs sorbets pèsent plus lourd, car ils ont moins d’air dans 1 litre.
La réglementation Française impose un poids minimum de 450g pour 1 litre de sorbet. En estimant que le mélange eau + sucre + fruits a une densité légèrement supérieure à l’eau (disons 1.1 kg par litre), alors si un sorbet de 1 litre pèse 450g, ça veut dire qu’il contient 59% d’air !
Le fonctionnement d’une sorbetière
La formation d’un sorbet (ou d’une glace) dans une sorbetière se déroule en 3 étapes
- la formation des noyaux de glace (nucléation) : des petits cristaux de glace se forment dans la préparation en contact avec les bords de la cuve. C’est le seul endroit où la température est assez froide pour permettre la formation de ces petits cristaux.
- la croissance des cristaux de glace (cristallisation): le racloir rotatif ramène les petits cristaux vers l’intérieur de la préparation, et ils grossissent (cristallisation). Il est important que les pâles du racloir touchent bien les bords de la cuve. Sinon, les cristaux ne sont pas ramenés vers l’intérieur, et ils forment une couche isolante qui ralentit le refroidissement du reste de la préparation
- l’incorporation d’air (le foisonnement): les mouvements du racloir incorporent de l’air dans la préparation.
Et si on n’a pas de sorbetière, on peut facilement reproduire ces 3 étapes à la main ! Après tout, c’est ce que faisaient déjà les Chinois, les Romains, les Grecs et les Perses. Et nous en plus, on a des congélateurs et des mixeur pour nous aider !
Quelles implications en cuisine ?
La bonne quantité de sucre
Chaque recette donne sa quantité de sucre. L’objectif c’est d’avoir entre 20% et 30% de sucre total dans le sorbet, pour qu’il soit onctueux et qu’on puisse facilement le servir (faire des boules).
Le problème, c’est qu’on ne connait pas précisément le taux de sucre dans les fruits. Les professionnels ont un appareil pour mesurer le taux de sucre (un réfractomètre). Sauf si vous voulez vous lancer dans le commerce des glaces, vous n’êtes pas obligé d’en acheter !
Si vous avez une balance, pesez votre purée de fruits, et ajoutez 20% de son poids en sucre. Sinon, comptez 1 volume de sucre pour 4 volumes de purée de fruit.
Vous aurez une préparation qui contiendra au moins 17% de sucre, le reste étant amené par les fruits.
Une petite dose d’alcool
Comme pour le sucre, une petite dose d’alcool va aussi aider à baisser le température de congélation, et va donner de l’onctuosité à votre sorbet.
Mais ne dépassez pas la dose prescrite : en général 5 CS (75 ml) d’alcool à 40° par litre de préparation. Sinon, votre sorbet ne prendra pas !
Soyez patients !
L’impatience est surement la cause principale des échecs des sorbets maison. Il fait chaud et on se dit « tiens, si je faisais un sorbet « . Mais comme nous l’avons vu, il faut que les ingrédients et le matériel soient à la bonne température, et ça prend du temps !
- la cuve de la sorbetière : mettez-la suffisamment à l’avance au congélateur pour qu’elle soit bien froide, pour une formation rapide des noyaux de glace.
- la purée de fruit : il faut qu’elle soit à maximum de 4°C quand on la mettra dans la sorbetière. Sinon, la formation des cristaux de glace ne sera pas assez rapide et on aura de gros cristaux de glace. Et pour atteindre cette température, il faut qu’elle passe plusieurs heures au réfrigérateur (idéalement toute une nuit)
- le récipient de stockage : lui aussi mettez-le au congélateur pendant que la purée refroidit. Plus il sera froid, plus le sorbet refroidira vite, et moins il y aura de recristallisation pendant le durcissement du sorbet.
Montrez l’exemple à la glace
Une bonne astuce consiste à congeler une petite quantité de préparation, et à la mélanger au reste de la préparation avant de les mettre dans la sorbetière.
Comme la petite quantité gèlera rapidement dans le congélateur, ses cristaux de glace seront petits. Et ils serviront de modèle aux autres !
Rien n’est irréversible !
Si vous avez rencontré un problème ou que vous n’êtes pas satisfaits du résultat, recommencez !
Laissez la préparation dégeler, corrigez, et recommencez :
- trop sucré ? ajoutez du jus de fruit ou de l’eau.
- trop dur ? ajoutez du sucre.
- pas assez assaisonné ? Ajoutez du sel.
Et si après un long séjour au congélateur votre sorbet est devenu très dur (à cause de la recristallisation), pas de problème : il vous suffira de le laisser fondre … et de recommencer !
Il parait que c’est ce que font la plupart des glaciers pour avoir des sorbets toujours onctueux. Comme il n’y a que de l’eau et du sucre, ça n’est pas dangereux sur le plan de l’hygiène alimentaire, même si c’est interdit !
Faire des sorbets sans sorbetière
On peut facilement faire des sorbets sans sorbetière. Ça demande juste un peu de temps et de patience.
- préparez la préparation à base de fruits et de sucre, et faites-la refroidir au réfrigérateur (maximum 4°C).
- congelez-en une petite partie.
- quand la préparation est bien froide, mettez-y la partie congelée et mélangez.
- mettez le tout au congélateur, dans un plat métallique si possible (meilleur refroidissement),
- remuez-la fréquemment (toutes les 15 minutes) avec un fouet, en raclant bien les bords pour ramener les cristaux de glace de l’extérieur vers l’intérieur, et pour introduire de l’air,
- quand elle a pris, passez-la rapidement au mixeur pour homogénéiser et rajouter encore de l’air,
- transférez-la dans un récipient de stockage bien froid, et conservez-la au congélateur.
La recette
Si j’ai été clair, vous aurez compris … qu’il n’y a pas vraiment de recette pour les sorbets.
Il faut juste de la purée de fruits et du sucre (20% du poids de la purée ou 25% du volume).
Le plus important, c’est que la préparation soit bien froide avant d’utiliser la sorbetière, et de prendre son temps.
La recette du sirop de sucre
pour 500 ml de sirop :
- 1 kg de sucre
- 500ml d’eau
- 2 cc de jus de citron (10 ml).
les étapes
- Mettez le sucre, l’eau et le jus de citron dans une casserole et mélangez.
- Chauffez doucement sans remuer. Si vous avez un thermomètre, arrêtez la cuisson quand le sirop atteint 114°C. Sinon, laissez frémir pendant 5 minutes environ.
- trempez le fond de la casserole dans l’eau froide pour arrêter la cuisson.
- laissez refroidir le sirop à température ambiante
- utilisez dans votre sorbet (20% du poids ou 25% du volume), et stockez le reste dans un récipient hermétique (se conserve plus d’un an !)
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.
- Science of Cooking; How to Prevent Ice Crystals from forming in Sorbet
- Cooks Illustrated; The Science Behind Making Raspberry Sorbet That’s Creamy and Smooth.
- University of Guelph; Food Science; The Ice Cream e-book
- Ice Cream Science website
Bravo pour toute votre pédagogie
Bonjour,
Merci ++ pour votre message et vos gentils mots qui sont des encouragements précieux.
Cordialement,
Conditions de réussite du sorbet
Bonjour. Merci ++ pour votre retour et vos encouragements ! Je vous souhaite de délicieux sorbets cet été.
Une reccette aussi documentée, j'adore ! Bravo et surtout merci !