De nombreuses recettes de plats mijotés, sauces, ou soupes, utilisant des oignons indiquent qu’il faut « faire revenir les oignons émincés dans de l’huile à feu doux sans coloration, jusqu’à ce qu’ils soient tendres ».

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ? Pourquoi les laisser revenir à feu doux ? Et quelle différence si je ne les laisse pas revenir du tout, ou si je les cuits à feu vif ?

Que nous dit la science ?


Anatomie d’un oignon

Les oignons font partie de la famille des Alliums, au même titre que les poireaux, l’ail, les échalotes, et la ciboulette par exemple.

Leur chair est composée de cellules qui contiennent des enzymes (alliinases) stockées au cœur de la cellule (la vacuole) et des acides aminés soufrés stockés au centre de la cellule (le cytoplasme).

schéma d'une cellule d'oignon

Tant que l’oignon est intact, il a peu d’odeur.

Quand on tranche l’oignon, les cellules sont détruites et les alliinases sont libérées : l’oignon sent … l’oignon !

Les alliinases interagissent avec les acides aminés soufrés contenus dans centre de la cellule pour donner de nouveaux composés à l’origine de l’odeur et de la saveur de l’oignon (thiosulfates)

Dans la nature, ces réactions participent aux défenses de la plante contre les herbivores.

Pourquoi les oignons font pleurer

C’est aussi ce qui explique que l’on pleure en coupant des oignons. En effet, le fait de briser les parois cellulaires du légume libère un composé à base de soufre, le 1-propenyl-L-cysteine sulphoxide.

Cette molécule réagit ensuite avec l’alliinase pour produire un composé très volatil, le propanethial-S-oxyde.

C’est ce composé, aussi connu sous le nom de facteur lacrymatoire (FL), qui cause l’irritation oculaire. L’œil tente de se débarrasser de l’irritant en produisant des larmes.

L’ail ne contient pas de facteur lacrymatoire, ce qui explique pourquoi on ne pleure pas quand on épluche ou émince de l’ail.

Quelles implications en cuisine ?


Adaptez la coupe

Plus on émince les oignons, plus on détruit de cellules et plus on libère d’alliinase et d’acides aminés qui vont interagir pour donner les thiosulfates à l’origine du goût caractéristique de l’oignon.

Selon le résultat attendu, on préférera simplement tailler les oignons en rondelles ou en lamelles – pour un goût et une saveur moins prononcés -, ou au contraire les émincer finement – voire les passer au mixeur -, pour un goût plus soutenu.

Adaptez la chaleur

Comme toutes les protéines, les alliinases sont détruites à forte température.

Si on fait revenir les oignons à feu vif, les alliinases n’auront pas le temps d’agir et de créer les thiosulfinates. Adieu donc les saveurs complexes de l’oignon !

Laissez du temps au temps

A feu doux, les thiosulfinates sont progressivement « coupés » en composés plus petits (disulfure et trisulfure) qui donnent le goût doux et sucré que l’on recherche.

Faites revenir dans un corps gras (huile, beurre)

En présence d’eau (tomates, bouillon), les thiosulfinates se décomposent en composés avec un désagréable goût de soufre.

Faire revenir les oignons dans un corps gras empêche ces réactions et la formation de ces composés au goût de soufre.

La preuve

Dans une expérience, l’équipe de « The American Test Kitchen » a préparé 3 sauces tomates qu’ils ont fait goûter à l’aveugle à un groupe de testeurs.

Avant d’ajouter les tomates

  • sauce 1 : les oignons ont cuit à feu doux dans de l’huile pendant 10mn,
  • sauce 2 : les oignons ont cuit dans de l’huile à feu vif pendant 8 mn,
  • sauce 3 : les oignons ont été mélangés crus directement avec les tomates.

La sauce n°1 (celle pour laquelle les oignons ont cuit à feu doux dans de l’huile pendant 10 minutes) a été plébiscitée par des goûteurs pour son goût « riche », « rond » et « doux ».

La sauce n°2 (oignons cuits à feu vif) a été jugée « plate ».

La sauce n°3 (pas de cuisson des oignons avant l’ajout des tomates) a été jugée « sans goût ».

Donc la prochaine fois que vous préparerez un plat dans lequel vous voulez le goût riche et complexe des oignons, vous saurez pourquoi il faut l’émincer finement, et le faire revenir longtemps sur feu doux.

Les références

Cet article m’a été inspiré par un article publié dans Cook’s Illustrated in The Science of Good Cooking, page 285.

Article sur internet : Why Slow-Cook Onions in Oil?