L’été, c’est la pleine saison du basilic ! La façon la plus courante de profiter de ses saveurs délicates est sous forme de pâte (pesto, pistou, ou huile au basilic).

Il existe beaucoup de légendes et de fausses affirmations sur ces préparations. Il était temps de rétablir quelques vérités, et de retrouver notre liberté !

La version courte


Pour profiter pleinement des saveurs du basilic, il faut détruire ses feuilles le plus finement possible. Oui mais comment : au mortier ou au robot ?

  • Pour une sauce épaisse (pour des pâtes au pesto par exemple), il est plus facile d’utiliser un mortier et un pilon.
  • Pour une sauce plus liquide (huile au basilic ou pistou), le robot fera très bien l’affaire ! Mais attention de ne pas mixer trop longtemps, sinon l’huile d’olive devient amère.

Vous pouvez toaster les pignons pour une note grillée, et utiliser du persil pour une couleur plus verte.

Attention avec l’ail : faites le cuire (à la poêle ou 1 mn au micro-ondes) pour qu’il soit moins puissant, ou utilisez une petite quantité.

Pour conserver des branches de basilic, vous pouvez les mettre dans un vase, comme des fleurs, ou congeler ses feuilles dans de l’huile.

A la fin de cet article, je vous propose une recette de pesto. A vous d’inventer la vôtre !

Que nous dit la science ?


Pesto, pistou, ou huile au basilic ?

Pour beaucoup, pesto et pistou c’est la même recette prononcée dans deux langues différentes. Il s’agit en fait de deux recettes distinctes !

  • Le pesto, originaire de la région de Gênes en Italie, est une sauce épaisse avec beaucoup de basilic (80%), de l’huile d’olive (20%), de l’ail, du fromage (moitié parmesan, un fromage au lait de vache, et moitié pecorino, un fromage au lait de brebis) et des pignons de pin. Elle accompagne habituellement les pâtes au pesto.
  • Le pistou, importé en Provence par les Génois quand ils occupèrent Nice, se prépare traditionnellement sans pignon de pin ni fromage, et avec plus d’huile d’olive (40% de basilic et 60% d’huile). Il accompagne la fameuse soupe au pistou.

Quant à l’huile au basilic, c’est une sauce liquide à base d’huile d’olive (80%) et de basilic (20%). C’est parfait pour accommoder une salade de tomates / mozzarelle.

Mortier ou mixeur ?

Le principe des sauces à base de basilic, c’est de détruire au maximum les cellules des feuilles pour en extraire le plus de composés aromatiques possible.

cellules d'une feuille de basilic
les cellules des feuilles de basilic sont composées de petits sacs (vacuoles)
qui renferment les composés aromatiques de la feuille.

Il existe un débat d’experts enflammé sur la toile sur les avantages de la méthode traditionnelle (mortier et pilon) et de la méthode moderne (mixeur).

Les défenseurs de chaque méthode avancent des arguments qui ne sont pas toujours vrais ni vérifiés scientifiquement.

Mon point de vue : chaque méthode à ses avantages et ses limites !

L’utilisation d’un pilon et d’un mortier permet d’écraser efficacement les feuilles de basilic, de détruire complètement les membranes cellulaires, et de libérer un maximum de molécules tensioactives, qui aident à émulsionner la sauce. 

schéma de la double membrane des cellules végétales
Les membranes des cellules végétales sont composées d’une double couche de molécules tensioactives. Plus on détruit les cellules, plus il y aura de molécules tensio-actives, et plus l’émulsion avec l’huile sera stable 

Du coup, la sauce sera plus enveloppante. Cet effet a été mis en évidence par Daniel Gritzer de Serious Eats dans une préparation de pâtes au pesto.

Le pesto réalisé au mortier et au pilon (à gauche) reste émulsionné et enveloppe mieux les pâtes que celui réalisé au robot (à droite); source (1)

Etude comparative

Lors d’une expérimentation réalisée sur le stand de l’INRA au Salon de l’Agriculture en Février 2011, Hervé This a réalisé une étude comparée entre mortier et mixeur.

  • Le pesto réalisé au mortier avait une meilleure longueur en bouche à cause des morceaux de feuilles et de pignons qui obligent à mastiquer, ce qui augmente et prolonge la sensation en bouche.
  • Pour le pesto réalisé au mixeurl’attaque était plus forte, notamment parce que les feuilles de basilic sont plus finement broyées et libèrent plus de composés aromatiques.

Le pesto fait au mixer avait également une couleur plus verte. Il n’y a pas d’explication précise pour l’effet sur la couleur. C’est probablement dû au fait que le broyage des feuilles au robot est plus rapide qu’au mortier. Ce qui laisse moins le temps à l’oxygène de l’air pour oxyder les composés libérés par le broyage des feuilles de basilic.

Certains auteurs disent que les pestos réalisés au robot ont moins de goût que ceux réalisés au pilon & mortier, car la chaleur de la lame du robot détruirait une petite partie des composés aromatiques du basilic. Je n’ai pas trouvé de document concluant sur le sujet.

Pour éviter ce problème de chaleur, certaines recettes recommandent de placer le couteau du mixer au congélateur pour le refroidir, et éviter qu’il ne fasse chauffer le pesto. Ouais, bon, on n’a pas que ça à faire non plus !

L’huile d’olive extra-vierge peu devenir amère quand elle est mixée

Il existe deux catégories d’huile d’olive pour la consommation, en fonction de leurs qualités gustatives et de leur taux en acides gras libres (aussi appelé « acidité libre »). Le taux d’acides gras libres est un bon indicateur de la qualité des olives, et de la façon dont elles ont été cultivées, récoltées, et pressées.

  • Les huiles d’olive vierge extra, ont une acidité libre maximale de 0,8%.
  • Les huiles d’olive vierges, avec une acidité libre maximale de 2%.

Les huiles d’olive vierge extra contiennent également plus de polyphénols (à peu près 300 mg/kg) que les huiles d’olive vierge (à peu près 200 mg/kg).

Les polyphénols sont responsables des propriétés anti-oxydantes de l’huile d’olive (comme les tomates, qui font aussi partie du fameux menu méditerranéen).

Mais les polyphénols sont amers. Normalement, on ne sent pas leur amertume, car ils sont enrobés d’acides gras. Mais quand l’huile d’olive est passée au mixeur, elle est séparée en petites gouttes, et les polyphénols sont libérés et diffusés de sorte que leur goût amer devient perceptible.

représentation de gouttelettes d'huile après agitation
représentation de gouttelettes d’huile après agitation

Plus on mixe fort et longtemps, plus les gouttes d’huile deviennent petites, et plus la préparation devient amère !

Quelles implications en cuisine ?


Mortier ou mixeur, faites au plus simple !

Si vous voulez une sauce épaisse, pour napper des pâtes par exemple, préférez le mortier.

En effet, l’inconvénient principal du mixeur est d’ordre pratique. Les ingrédients secs ou demi secs (feuilles, ail, pignons, fromage) ne se mixent pas bien, surtout quand il n’y en a pas beaucoup. Les lames tournent dans le vide et la préparation reste collée aux parois.

On est alors obligé de rajouter beaucoup d’huile pour que les feuilles se réduisent en purée. Et du coup, on a plutôt une huile au basilic qu’un véritable pesto !

Si vous voulez une sauce liquide (pour accompagner une salade de tomates et mozzarelle), alors le mixeur ira très bien. La plus grande quantité d’huile permettra de bien mixer l’ensemble.

Ne vous embêtez pas à chercher une huile très parfumée !

Il y a tellement de saveurs fortes dans le pesto (ou le pistou) – ail, basilic, pignons, fromage – que les subtilités d’une huile délicate ne se sentiront pas dans votre préparation.

Prenez une huile d’olive vierge « ordinaire », ça fera très bien l’affaire.

Et si vous utilisez le mixeur, utilisez une huile d’olive vierge (pas une « extra ») pour éviter l’amertume.

Ayez la main légère avec l’ail

Que vous utilisiez le mortier (ail écrasé) ou le mixeur (ail haché), ces deux méthodes vont libérer beaucoup d’alliinases et augmenter la puissance de l’ail (voir un précédent article sur l’ail).

Il vaut mieux commencer avec une gousse, quitte à en ajouter une seconde après si vous voulez « corser » votre sauce.

Sinon, vous pouvez aussi faire cuire vos gousses d’ail entières 1 minute au micro-ondes, ou les faire revenir dans une poêle. Ainsi, vous détruirez les enzymes responsables du développement du goût fort de l’ail.

Pignons de pin crus ou toastés, c’est vous qui décidez !

Même si le pesto traditionnel se prépare avec des pignons de pin crus, rien ne vous interdit de les toaster quelques instants pour apporter une note de grillé à votre pesto.

Vous pouvez aussi utiliser d’autres graines (Noix de Grenoble, noisettes, amandes, etc.) pour varier les goûts et les plaisirs.

Rehaussez la couleur avec du persil

Vous pouvez atténuer le noircissement du basilic en utilisant un peu de persil dans votre pesto, ce qui lui donnera une belle couleur verte, sans dénaturer son goût.

Quelques infos utiles sur le basilic

Depuis la parution de cet article, j’ai écrit un nouvel article complet sur le basilic. N’hésitez pas à le consulter.

Empêchez le basilic de fleurir

En effet, la plante produit beaucoup d’huiles essentielles (dans ses feuilles) avant la floraison pour attirer les insectes et assurer la pollinisation. Une fois que les fleurs sont sorties, elle en produit moins.

Comment conserver le basilic

Si vous cultivez du basilic, vous êtes surement confronté au problème de la surabondance. Comme les plantes poussent en même temps, on se retrouve avec une grande quantité de basilic en même temps.

Si vous n’avez pas le temps de préparer des pots de pesto (ou de pistou), vous pouvez conserver le basilic frais quelques semaines, ou le congeler pour l’utiliser cuit pendant l’hiver.

Comme un bouquet de fleurs : coupez les bases des tiges, placez-les dans un vase avec 2 à 5 cm d’eau, et conservez-les à température ambiante dans un endroit éclairé, mais pas sous un soleil direct. Votre basilic « tiendra » une à deux semaines. Et il se peut même que les tiges fassent des racines. Vous pourrez vous amuser à les replanter.

Congelez dans de l’huile : rincez les feuilles, émincez-les, et mettez-les dans un bac à glaçons pour les faire congeler.

Si vous avez une grande quantité de basilic à congeler, vous pouvez passer les feuilles au mixeur avec de l’huile. Çà sera plus rapide que de les couper au couteau ou aux ciseaux !

Comme l’huile dégèlera plus rapidement que l’eau, le basilic conservera toute sa saveur quand vous ajouterez votre glaçon de basilic dans votre préparation cet hiver (soupe, pâtes, etc.)

Vous pouvez aussi mettre les feuilles émincées et l’huile dans un sac à congélation, et les faire congeler à plat. Elles dégèleront plus vite, et occuperont moins de place dans votre congélateur.

La recette


Il existe une multitude de recettes de pestos, pistous, ou huile au basilic. Celle que je vous propose est celle que j’utilise, et que j’ai adaptée de celle de Serious Eats. A vous d’inventer la vôtre !

Ingrédients

  • 4 gousses d’ail moyennes si vous les faites revenir à la poêle, ou cuire au micro-ondes. Sinon 1 seule, c’est largement suffisant !
  • 1 pincée de sel
  • 90 ml de feuilles de basilic (6 CS)
  • 1 CS de persil (optionnel, pour la couleur).
  • 2 CS de pignons de pin
  • 5 CS de fromage rapé (parmesan et Pecorino)
  • 8 CS d’huile d’olive

Étapes :

  • optionnel si vous voulez toaster vos graines : faites sauter les pignons sur feu moyen, en remuant fréquemment, jusqu’à coloration (4 à 5 minutes). Attention : ils brûlent très vite ! Transférez dans une assiette.
  • optionnel si vous faites cuire l’ail : mettez les gousses d’ail entières dans la poêle, et faites les sauter sur feu moyen en remuant fréquemment, jusqu’à coloration (7 à 8 minutes). Laissez-les refroidir, puis pelez-les. Sinon, faites les cuire 1 mn au micro-ondes à puissance maximum.
  • mettez l’ail et une pincée de sel dans le mortier, et écrasez le bien jusqu’à obtenir une pâte (les grains de sel facilitent l’écrasement de l’ail)
  • déchirez grossièrement les feuilles de basilic à la main, mettez-les dans le mortier, et écrasez-les contre les bords. Continuez jusqu’à ce que toutes les feuilles soient bien écrasées, et qu’elles aient libéré leur jus vert.
  • ajoutez les pignons de pin, et écrasez-les jusqu’à obtenir une pâte.
  • ajoutez le fromage râpé et incorporez-le à la pâte.
  • versez l’huile d’olive petit à petit et mélangez avec une cuillère.

Si vous n’utilisez pas le pesto tout de suite, vous pouvez le conserver au frais plusieurs semaines dans un récipient fermé, en versant une fine couche d’huile d’olive sur le dessus de la pâte pour éviter le contact avec l’air.

Les références

Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.

  1. Daniel Gritzer; Serious Eats; How to make the best pesto
  2. Hervé This, Séminaire INRA, Février 2011
  3. Grain de Sel; l’amertume de l’huile d’olive