Savez-vous à quoi correspondent les numéros pour les huîtres ? Connaissez-vous les différences entre une huître fine, une huître spéciale, une huître de claire ou une huître de pleine mer ?
J’avoue qu’en dehors du calibre, je ne connaissais pas grand-chose aux huîtres avant d’écrire cet article.
J’espère qu’il vous sera aussi utile qu’à moi à l’approche des fêtes, et à chaque fois que vous voudrez déguster des huîtres.
La version courte
Au-delà de leur région de production, qui peut influencer leur goût, il y a 3 critères qui distinguent les huîtres
- Leur calibre, établi en fonction de leur taille et leur poids total (coquille et chair). Pour les huîtres creuses, les plus légères sont les n°5 (entre 30 et 45 g) et les plus lourdes les n° 0 (> 150 g). Pour les huîtres plates, les plus légères sont les n°6 (20 g) et les plus lourdes les 000 (entre 100 et 120 g).
- Leur indice de remplissage, c’est à dire le % de chair par rapport au poids total de l’huître. Les fines contiennent entre 6,5% et 10,5% de chair, alors que les spéciales en contiennent plus de 10,5%.
- Leur méthode d’affinage : les huîtres creuses « de claire » passent du temps dans des bassins avant d’être commercialisées. Elles mangent plus, ont un goût moins iodé et une chair plus dense, et leur coquille est plus dure.
Il y a 2 méthodes pour ouvrir les huîtres creuses : par le côté (méthode plus sure) ou par la charnière (méthode traditionnelle plus risquée).
A la fin de cet article je partage quelques conseils pour les choisir, les conserver, les ouvrir (notamment pour les gaucher(e)s) et les déguster.
Que nous dit la science ?
Les 7 bassins de production Français
Il y a 7 bassins de production d’huîtres en France : Normandie – Mer du Nord, Bretagne Nord, Bretagne Sud, Pays de Loire, Poitou Charentes, Arcachon – Aquitaine, Méditerranée.
Leur climat et la qualité de leurs eaux (température, salinité, marées, etc.) donnent des caractéristiques particulières à leurs huîtres.
Comme pour le vin, chaque producteur peut aussi appliquer des méthodes de production qui donne un goût différent à ses huîtres.
Huîtres plates et huîtres creuses
Historiquement, les huîtres françaises étaient des huîtres plates (la Gravette sur le bassin d’Arcachon, la Belon en Bretagne).
Mais elles ont été décimées par un parasite et remplacées par des huîtres creuses Portugaises à la fin du 19e siècle, puis par des Japonaises dans les années 1970. Les huîtres creuses représentent aujourd’hui 98% de la production Française.
L’anatomie des huîtres plates et creuses explique les 2 façons d’ouvrir les huîtres : par la charnière ou par le côté
Pour les huitres plates, l’ouverture se fait par la charnière parce que le muscle est très central et difficile à atteindre, et qu’il n’y a pas beaucoup d’espace pour passer le couteau. Du coup, on risque d’abîmer l’huître en ouvrant par le côté.
Et comme les huîtres plates étaient les plus consommées jusqu’aux années 70, la pratique est restée chez certaines personnes d’ouvrir les huîtres par la charnière.
Pour les huîtres creuses, on peut passer par le côté parce que le pied est sur le bord et la chair de l’huître est dans la coquille creuse, donc protégée du couteau.
Les numéros des huîtres
Le numéro des huîtres est un calibre qui correspond à leur taille et à leur poids.
Plus le chiffre est petit, plus l’huître est grande et lourde. J’ai cherché la raison de cette numérotation « à l’envers » , mais je n’ai rien trouvé. Si quelqu’un sait, merci de partager dans les commentaires.
Les huîtres creuses sont numérotées du n°5 (entre 30g et 45g) au n°0 (plus de 150g, soit le poids d’un steak !)
Les huîtres plates ont un système de numérotation différent, du n°6 (20g) au n° 000 (entre 100 et 120 g). Là non plus, je n’ai pas trouvé la raison d’un système différent.
Il existe aussi des huîtres creuses longues qui, parce qu’elles n’ont pas été remuées et grattées pendant leur élevage ont poussé en longueur et non en arrondi.
Elles ne correspondent pas aux calibres traditionnels des huîtres et sont vendues simplement sous l’appellation « huîtres longues ».
Fines ou spéciales ?
Cette mention correspond à l’indice de remplissage de la coquille = 100 fois le rapport de la masse de la chair de 20 huîtres à la masse brute (chair + coquilles) de ces mêmes huîtres.
- Les huîtres fines ont un indice entre 6,5 et 10,5. C’est-à-dire que chaque huitre contient entre 6.5% et 10,5% de chair.
- Les huîtres spéciales ont un indice supérieur à 10,5, donc elles contiennent plus de 10,5% de chair. Elles sont donc plus charnues.
Un petit exercice pour voir ceux qui suivent : quelle est le poids de chair dans une huître creuse n°3 selon qu’elle est fine ou spéciale ? La réponse est à la fin de l’article.
L’affinage
Après leur récolte en mer, certaines huîtres passent du temps dans des bassins spéciaux peu profonds (les claires) avant d’être commercialisées : ce sont les huîtres « de claire » (fines ou spéciales, selon leur taux de remplissage).
Comme ils sont peu profonds, ces bassins sont riches en phytoplancton dont se nourrissent les huîtres. Leur chair devient plus « douce » (moins iodée) et plus dense, et leur coquille se solidifie, pour une meilleure résistance hors de l’eau.
Quand il commence à faire froid les huîtres font des réserves de glycogène en prévision de l’hiver, ce qui leur donne un goût de noisette.
Pour les fines de claires et les spéciales de claires, les méthodes d’affinage dépendent des saisons qui influent sur l’écosystème de la claire et sur les mécanismes physiologiques de l’huître :
- du 1er avril au 31 octobre, la durée minimale est de 14 jours à raison de 1 kg par m² maximum
- du 1er novembre au 31 mars, la durée minimale est de 28 jours à raison de 3 kg par m² maximum
Les spéciales pousse en claire sont affinées au moins 4 mois en claire avec une densité de 5 à 10 huîtres au mètre carré.
Et les huitres vertes ? Leur couleur est due à la navicule, une micro-algue (diatomée) qui apparaît dans certaines claires et donne une couleur verte aux huîtres qui les consomment.
Les mois sans « R » et les huîtres 4 saisons
Vous avez surement entendu dire qu’on ne doit pas manger d’huître les mois sans « r » (mai, juin, juillet et août).
Il y a 2 raisons à cette croyance :
- C’est à cette période que les huîtres (qui sont alternativement mâles et femelles d’une année à l’autres) produisent leurs ovules et leurs spermatozoïdes, ce qui les rend laiteuses. Elles sont moins appétissantes et se conservent moins bien.
- Ce sont les mois de forte chaleur dans l’hémisphère nord, pendant lesquels les conditions de transport et de conservation n’étaient pas idéales avant la généralisation des camions frigorifiques et des chambres froides. Ce n’est plus un problème aujourd’hui.
les huîtres 4 saisons
Pour palier ce problème, et permettre la consommation d’huîtres toute l’année, l’IFREMER a mis au point une technique pour produire des larves (naissains) stériles : les huîtres triploïdes.
Ces naissains sont produits en écloserie et fournis aux producteurs.
Les huîtres stériles ne sont donc jamais laiteuses, et grossissent plus vite car elles ne dépensent pas d’énergie à produire les ovules et les spermatozoïdes.
On les reconnaît à une protubérance incurvée sur la charnière, plus ou moins pointue.
Quelles implications en cuisine ?
Quelles huîtres acheter ?
Au-delà de leur origine, qui est une affaire de goût comme le vin, je vous propose quelques critères pour vous aider à choisir vos huîtres creuses.
Je ne parle pas des huîtres plates qui sont rares (et chères) et réservés aux spécialistes.
La taille
- Pour l’apéritif, choisissez des petites huîtres de calibre 4 ou 5.
- En entrée, choisissez des calibres 3 ou 4
- A cuire, choisissez des gros calibres 0,1 ou 2.
La densité de chair
Si vous n’aimez pas mâcher les huîtres et que vous préférez les gober, choisissez des fines, moins charnues que les spéciales.
Mais c’est dommage de ne pas mâcher les huîtres, car c’est le moyen de percevoir tous leurs goûts.
Et sachez que l’huître gobée arrive vivante dans l’estomac et se défend contre les sucs gastriques. Ce qui peut rendre sa digestion plus difficile !
Le goût
Si vous craignez le goût iodé, choisissez des huîtres « de claire » dont l’affinage atténue le goût iodé par rapport aux huîtres de pleine mer.
Une bonne idée est de panacher et d’acheter des petites quantités d’huîtres différentes pour découvrir et satisfaire tous les goûts.
Comment les conserver ?
Le moment idéal pour consommer les huîtres, c’est entre 4 et 8 jours après leur récolte (dont la date est indiquée sur la bourriche)
- avant, elles sont encore gorgées d’eau et leurs goûts sont moins concentrés
- après elles sont plus sèches.
Conservez les huîtres à une température entre 5°C et 15°C (proche des températures de l’eau dans laquelle elles ont été élevées). Idéalement dans une cave ou le bac à légumes du réfrigérateur.
Evitez absolument les températures trop froides, genre le rebord de fenêtre du chalet en montagne avec des températures négatives !
Conservez les huîtres à plat pour qu’elles ne se vident pas de leur eau.
Si vous achetez des huîtres en vrac, ou qu’il en reste dans la bourriche ouverte, mettez un poids sur les huîtres (par exemple un plat à gratin).
En effet, si les huîtres ne sentent pas de pression sur elles, elles « pensent » qu’elles sont en pleine mer et s’ouvrent pour s’alimenter. Et elles sèchent !
Comment les ouvrir ?
Il y a 2 techniques pour ouvrir les huîtres : par la charnière ou par le côté.
Quelle que soit la technique que vous utilisez, pensez à toujours protéger la main qui tient l’huître avec un gant épais ou en mailles de fer, ou un torchon replié. Pensons aux urgentistes !
Il existe de nombreuses vidéos sur le net. Mais peu sont vraiment explicites, et je n’en ai trouvé aucune pour les gauchers.
Ouverture par la charnière :
Pas de différence entre les droitiers et les gauchers.
- Calez l’huître avec un torchon et tenez-la fermement (avec la main gauche si vous êtes droitier, la main droite si vous êtes gaucher)
- Insérez le couteau dans la charnière vers le bas et essayez de l’enfoncer progressivement entre les 2 coquilles. Soyez patient et n’essayez pas de passer en force !
- Quand le couteau est entré, exercez un mouvement de levier en le faisant monter et descendre, et en le tournant vers la droite et la gauche. La charnière cède.
- Essuyez le couteau et faites le glisser le long de la coquille supérieure pour atteindre le muscle et le sectionner. Et voilà, votre huître est ouverte !
C’est également par la charnière qu’il faut ouvrir les autres coquillages (palourdes, praires, coquilles St Jacques, etc.). Si vous n’avez pas de couteau à huîtres, vous pouvez utiliser un tournevis plat pour défaire la charnière, puis un couteau de cuisine pour sectionner le muscle.
Ouverture par le côté :
C’est personnellement la méthode que je préfère et que je recommande. Elle est moins risquée (pas de poussée en force) et évite d’abîmer l’huître.
Le principe est de sectionner le muscle avant de défaire la charnière.
La façon de tenir l’huître est différente selon que vous êtes droitier(e) ou gaucher(e).
Pour les droitiers :
- Tenez l’huître dans un torchon ou un gant dans la main gauche, avec la coquille creuse dans la paume et la charnière vers le poignet
- Tenez le couteau par la lame, avec le pouce à 1 cm de la pointe. Le pouce sert de garde en cas de dérapage.
- Insérer le couteau aux 2/3 en partant de la charnière, au niveau de votre index ou de votre majeur
- Poussez l’huître sur le couteau et non pas le couteau dans l’huître, en faisant des mouvements de rotation de droite à gauche avec la main gauche qui tient l’huître.
- Quand l’attache du muscle est sectionnée, soulevez la coquille supérieure pour défaire la charnière.
Pour les gauchers :
- Tenez l’huître dans un torchon ou un gant dans la main droite, avec la coquille creuse dans la paume et la charnière vers les doigts
- Tenez le couteau par la lame, avec le pouce à 1 cm de la pointe. Le pouce sert de garde en cas de dérapage.
- Insérez le couteau aux 2/3 en partant de la charnière, au niveau de votre annulaire ou auriculaire.
- Poussez l’huître sur le couteau et non pas le couteau dans l’huître, en faisant des mouvements de rotation de droite à gauche avec la main droite qui tient l’huître.
- Quand l’attache du muscle est sectionnée, soulevez la coquille supérieure pour défaire la charnière.
Videz l’eau des huîtres.
Cela leur permet de dégorger en sécrétant une eau plus fine et de meilleure qualité que la première (prévoir une vingtaine de minutes avant la dégustation).
Vérifier la fraîcheur
Si l’odeur est bonne mais que vous avez un doute, 2 solutions : posez la pointe du couteau sur le bord de l’huître ou versez une goutte de citron : l’huître doit se rétracter si elle est vivante.
Une huître fraîche doit contenir de l’eau de mer et en sécréter à nouveau une fois la première jetée.
La dégustation
Après tous ces efforts, c’est le moment de vous régaler !
Les puristes dégustent les huîtres natures, avec du pain de seigle et du beurre salé.
Personnellement, j’aime bien leur donner un tour de moulin à poivre, ou quelques gouttes de jus de citron, ou quelques gouttes de vinaigre aux échalotes.
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.
- Wikipedia: Huître
- Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation : les secrets d’élevage des huîtres Marennes-Oléron
- les huîtres Marennes-Oléron : comment ouvrir les huîtres
Correction de l’exercice
Sachant qu’une huître creuse n°3 pèse entre 66g et 85g, qu’une huître fine a un taux de remplissage entre 6,5% et 10.5% et une huître spéciale > 10,5%
- une huître fine n°3 contient entre 4 et 9 g de chair
- une huître spéciale n°3 contient plus de 7g de chair.
Bonjour. Merci pour votre commentaire. L'explication du muscle qui fatigue est séduisante et semble faire sens. Avez-vous une référence sur le sujet ? Concernant l'effet de la marée, on peut aussi penser au principe d'archimède qui rend l'huître plus légère dans l'eau. C'est l'explication que j'ai trouvée dans les documents qui mentionnent le besoin de mettre un poids sur les huîtres en vrac ou en bourriche ouverte.
Merci pour ces informations, mais je voudrais juste corriger un petit truc… Si on doit mettre du poids sur les huitres que l'on veut stocker, ce n'est pas parce qu'elles se croient dans l'eau et qu'elles cherchent à s'alimenter (la pression de l'eau est supérieure à celle de l'air) mais simplement parceque leur muscle sert uniquement à fermer l'huître. Elles peuvent rester ainsi fermée le temps d'une marée mais au delà, le muscle se relâche et l'huître baille. Un simple poids la bloque ainsi fermée.
Bientôt quelques recettes d'huîtres chaudes ? 🤔