Quoi de mieux qu’un poulet rôti au four pour un déjeuner en famille ou entre amis ? Mais ça tourne souvent à la cata : le poulet est trop sec ou pas assez cuit, et la cuisine est enfumée. Résultat : on se rabat sur le poulet rôti du marché … ou on se passe de poulet rôti.
Pourtant, il suffit de quelques gestes simples pour réussir un délicieux poulet rôti au four, avec des blancs moelleux, des cuisses bien cuites, et une peau croustillante.
La version courte
Le secret pour réussir un poulet rôti au four c’est de l’ouvrir et de le mettre à plat comme un papillon (en français on dit « en crapaudine », c’est à dire comme un crapaud, mais je préfère la version anglaise « butterflied » qui veut dire comme un papillon).
Ça permet aux blancs et aux cuisses de cuire parfaitement, chacun étant au bon endroit pour la bonne température. En décollant la peau des blancs et du haut des cuisses, on obtient une peau très croustillante et moins grasse. Et en plus, on peut assaisonner la viande directement !
A la fin de cet article, je vous propose une recette pour un poulet rôti moelleux et croustillant. Régalez-vous !
Que nous dit la science ?
Deux viandes différentes à cuire en même temps
La difficulté pour réussir la cuisson d’un poulet, c’est qu’il faut cuire en même temps 2 viandes très différentes.
Les blancs
Comme le poulet n’est pas un oiseau migrateur, il n’a pas besoin de pectoraux endurants. Ses muscles pectoraux (les blancs) lui servent à s’échapper rapidement d’un danger, ou à grimper sur son perchoir.
Ces muscles sont donc blancs (d’où leur nom) car ils contiennent peu de myoglobine (une molécule qui sert au stockage de l’oxygène dans les muscles). Et ils sont tendres car ils contiennent peu de collagène (le collagène enveloppe les fibres musculaires pour fortifier les muscles très utilisés).
A noter que les « blancs » chez le canard (les magrets) sont rouges et coriaces, car les canards doivent voler longtemps, et leurs muscles pectoraux contiennent beaucoup de myoglobine et de collagène.
Les cuisses
La viande des cuisses est rouge car elle contient beaucoup de myoglobine. Et elle est ferme car elle contient beaucoup de collagène et de tendons, pour permettre au poulet de se déplacer et de gratter la terre.
Et du coup, il est très difficile de bien cuire un poulet car le blanc commence à sécher à 65°C, alors que le collagène des cuisses commence à se dissoudre à des températures supérieures à 70°C.
La peau du poulet
La peau du poulet est faite de cellules de graisses retenues par un réseau de collagène.
Pour obtenir une peau croustillante, il faut 3 choses :
- qu’elle perde une bonne partie de sa graisse. C’est cette graisse que l’on voit couler des poulets qui tournent sur les rôtissoires et qu’on retrouve dans le bac.
- qu’elle soit bien sèche en surface, pour permettre les réactions de brunissement (Maillard) qui donnent le goût et la couleur du grillé,
- que le collagène ait le temps de se dissoudre et de former un gel qui retiendra juste ce qu’il faut de graisse pour former le croustillant. Sans graisse, on obtient une peau dure et parcheminée.
Et pour une peau encore plus croustillante, on peut même la saupoudrer avec 1 cc de levure chimique : son pH basique va accélérer les réactions de Maillard (voir l’article sur les carottes caramélisées), et accélérer la dissolution du collagène.
Et la levure chimique va également provoquer la formation de petites bulles à la surface de la peau. Et qui dit des petites bulles dit plus de surface de peau, donc plus de croustillant.
Un poulet entier ne cuit pas bien
L’intérieur du poulet est rempli d’air. Or l’air est un mauvais conducteur de chaleur.
Résultat : la partie profonde des pattes et des cuisses (celle qui est en contact avec l’intérieur du poulet) est souvent pas assez cuite. La chair est rouge et élastique.
Et si on veut cuire le poulet suffisamment longtemps pour que ces parties soient assez cuites, alors ce sont les blancs qui seront trop cuits et tout secs !
La solution : ouvrir le poulet pour le faire cuire à plat et pour que tous ses morceaux cuisent par-dessus et par-dessous. C’est ce qu’on appelle un poulet en crapaudine ou en papillon.
La chaleur n’est pas uniforme dans un plat au four
Quel que soit le mode de chaleur que vous utilisez (chaleur statique, chaleur ventilée, ou chaleur brassée), le fait de mettre un plat dans votre four va modifier les mouvements de l’air chaud.
Le plat va bloquer l’air chaud qui remonte, et celui-ci va aller sur les bords. Ainsi l’extérieur du plat sera plus chaud que le centre.
La preuve : en faisant cuire de la chapelure de pain, Kenji Lopez de Serious Eats a montré que le pain situé à l’extérieur plus plat était plus grillé que celui au centre.
Et ça tombe bien, car si on met notre poulet en crapaudine dans un plat au four, les cuisses seront à l’extérieur (là où il y a plus de chaleur), et les bancs seront à l’intérieur (là où il y a moins de chaleur).
Quelles implications en cuisine ?
Ouvrez le poulet en papillon (ou crapaudine)
C’est très simple : il suffit de mettre le poulet le dos vers le haut (c’est à dire les blancs vers le bas), et de le découper de part et d’autre de la colonne. Puis il faut le retourner, l’aplatir en appuyant fermement sur les blancs, et étendre les pâtes.
Ci-joint un lien vers une vidéo sur Youtube qui montre comment ouvrir un poulet en papillon.
En cuisant le poulet en papillon, on a de nombreux avantages :
- Une meilleure cuisson car toutes les parties du poulet cuisent par-dessus et par-dessous. Il n’y a plus de cavité d’air isolante au centre du poulet.
- les cuisses sont à l’extérieur du plat – là où il y a plus de chaleur – et les blancs sont au centre – là où il y a moins de chaleur.
- toute la peau sera chauffée par le dessus, donc elle sera plus croustillante. Alors qu’avec un poulet entier la peau située en dessous et sur les côtés reçoit moins de chaleur.
- et enfin, un poulet en papillon est beaucoup plus facile à découper !
Pour une peau plus croustillante, décollez la des blancs et des cuisses
En créant un espace entre la peau et la chair, on facilite l’entrée d’air chaud sous la peau, et donc la fonte de la graisse. La peau sera plus croustillante, et moins grasse.
Il suffit de glisser les doigts entre la peau et les blancs et de décoller la peau délicatement. On peut même essayer de décoller la peau sur le haut des cuisses.
Et pour une peau encore plus croustillante, vous pouvez la saupoudrer avec 1 cc de levure chimique :
- le pH basique accélérera les réactions de brunissement (Maillard), à l’origine du goût et de la couleur du grillé,
- la formation de bulles augmentera la surface de peau grillée, pour encore plus de croustillant.
Salez et épicez les blancs
Après avoir décollé la peau des blancs (et des cuisses), on peut appliquer du sel et un mélange d’épices ou d’herbes directement sur la chair. Ainsi elle sera parfaitement assaisonnée.
Et si on laisse le poulet au froid quelques heures, on bénéficiera de l’effet du sel sur la tendreté de la chair (voir l’article sur le rôle du salage de la viande avant la cuisson)
Laissez sécher au froid
Enfin, en même temps que le sel agira sur la viande, le fait de laisser le poulet au réfrigérateur accélérera le séchage de la peau grâce à l’air sec du réfrigérateur. Ainsi, la peau cuira plus rapidement et développera un délicieux croustillant.
La recette
Je partage avec vous une recette publiée par Kenji Lopez pour la cuisson d’un poulet rôti en crapaudine. A vous d’inventer le mélange d’épices et/ou d’herbes qui ira avec.
Ingrédients
- 1 poulet de 2kg à 2,5 kg
- 1 CS d’huile d’olive
- 1 CS de gros sel et 1/2 cc de poivre moulu
- 1 cc de levure chimique (optionnel)
- 2 cc d’épices et/ou d’herbes hachées (thym, romarin, origan, etc.) et/ou de zestes de citron
Préparation
- Mettez la grille du four au milieu et préchauffez à 260°C (chaleur statique) ou 220°C (chaleur tournante)
- A l’aide d’un couteau ou de ciseaux de cuisine, découpez la volaille le long de la colonne vertébrale. Retournez le poulet (blancs vers le haut) et aplatissez le en appuyant fermement sur les blancs. Étirez les pattes.
- Badigeonnez toutes les faces du poulet avec 1 CS d’huile d’olive.
- Mélangez 1CS de sel, ½ cc de poivre, 2 cc du mélange d’épices et d’herbes, et 1 cc de levure chimique (optionnel) et répartissez sur le poulet et sous la peau.
- Mettez le poulet dans un plat et enfournez. Laissez cuire environ 45 minutes, le temps que la partie la plus épaisse des blancs atteigne 65°C, et que la jointure entre les cuisse et le coffre atteigne 77°C. Si vous n’avez pas de thermomètre, les cuisses sont cuites quand le liquide qui s’en échappe est clair (et non plus rosé).
- Si le poulet se colore trop rapidement, réduisez la température de 30°C (230°C chaleur statique ou 190°C chaleur tournante).
Sortez le poulet du four, couvrez le de papier d’aluminium et laissez le reposer pendant 5 minutes avant de le découper.
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés
- Kenji Lopez; The Food Lab : how to roast a butterflied chicken
- Niki Achitoff-Gray; Serious Eats: for the crispiest chicken skin, grab the baking powder.
Bonjour, lorsque vous expliquez de répartir le mélange sel,p,herbes,levure chimique sur le poulet et sous la peau, vous voulez dire des 2 côtés de la peau càd chair et extérieur ?
Après cette opération de « salage » combien de temps conviendrait-il de laisser le poulet au réfrigérateur càd minimum et maximum ?
Grand merci.
Bonjour,
Merci pour votre question.
Oui la recommandation est de repartir le mélange sur la peau et aussi sous la peau (en l’ayant délicatement décollée avant). Ainsi, le sel va pénétrer dans la chair et la rendre plus moelleuse. Voir l’article sur le salage (https://jepensedoncjecuis.com/2016/08/saler-oui-mais-au-bon-moment.html).
Pour la durée, il faut compter au moins 2h et jusqu’à toute une nuit pour un résultat optimal.
Cordialement,
super!
Bonjour,
Merci pour votre message. Je suis ravi que cette technique vous ait plu.
Cordialement,