La blogosphère regorge de recettes de mousses au chocolat (19 millions de résultats en tapant « mousse au chocolat » dans un moteur de recherche !). Elles rivalisent de superlatifs comme « inratable », « véritable », « authentique », « ultime » pour ne citer que les plus fréquents.

Mais aucune n’explique clairement ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour réussir une mousse au chocolat, et pourquoi. C’est chose faite désormais !

Je dédie cet article aux « filles cablées » qui m’ont récemment demandé de les aider à comprendre et à réussir la mousse au chocolat. J’espère qu’elles seront satisfaites 😋

La version courte


Pour réussir une mousse au chocolat, il faut 3 choses

  1. préparer une mousse aérée et stable,
  2. préparer une émulsion liquide de chocolat,
  3. réussir le mélange des 2 préparations.

Pour la mousse, on utilise généralement des blancs d’œufs montés en neige. Il faut assez de blancs (entre 2 et 3 pour 100 g de chocolat), les sucrer pour que la mousse soit stable et contienne plein de bulles, et battre lentement et longtemps.

Pour la préparation au chocolat, il y a différentes recettes en fonction du chocolat, du nombre de jaunes et de l’ajout de crème ou de lait. Ces recettes donnent des goûts et des textures différents. Dans tous les cas, il faut bien émulsionner la préparation.

Pour le mélange, il faut que la préparation au chocolat soit tiède (40°C) et mélanger délicatement les blancs en neige pour conserver un maximum de bulles d’air.

A la fin de cet article je vous propose une recette de mousse au chocolat légère et très mousseuse. A vous d’inventer la recette qui vous convient !

Que nous dit la science ?


Le chocolat

Comme nous l’avons vu dans un article précédent sur la sauce au chocolat, le chocolat est un mélange (une dispersion) de 2 phases qui normalement ne se mélangent pas : une phase solide, composée des particules de cacao et du sucre, dispersée dans une autre phase (solide à température ambiante), le beurre de cacao.

Comme le sucre est repoussé par la matière grasse les fabricants ajoutent un émulsifiant (lécithine de soja à 0.7% maximum) pour maintenir les cristaux de sucre en place et les empêcher de se regrouper.

structure du chocolat noir
représentation schématique de la structure du chocolat noir

Quand on mélange de la crème et/ou des œufs à du chocolat fondu, on fait une émulsion, exactement comme quand on fait une mayonnaise. Avec la crème et/ou les jaunes, on apporte de l’eau, de la matière grasse et des émulsifiants (les caséines pour la crème, les lécithines pour les jaunes).

représentation schématique de l'émulsion du chocolat avec les jaunes et/ou la crème
représentation schématique de l’émulsion du chocolat avec les jaunes et/ou la crème

Le sucre du chocolat se dissout dans l’eau (de la crème ou des jaunes), les matières grasses et les particules de cacao sont dispersées dans le liquide, et le mélange est stabilisé grâce aux émulsifiants.

Les jaunes et la crème

A la différence du beurre de cacao qui est solide à température ambiante, la matière grasse des œufs et de la crème reste liquide même au froid. C’est pour cela qu’on les ajoute au chocolat, pour que la mousse au chocolat ne soit pas trop dure quand elle est froide.

Les jaunes d’œuf et la crème entière (à 30%) ont des teneurs très proches en eau et en matière grasse. C’est pour cela qu’on peut remplacer les jaunes d’œuf par de la crème, voire ne pas utiliser de jaune d’œuf du tout dans la préparation au chocolat.

tableau comparatif de la crème entière et des jaunes d'oeufs
composition de la crème entière et des jaunes d’oeufs

Et le beurre ?

Certaines recettes recommandent d’ajouter du beurre à la préparation au chocolat. Je n’ai pas trouvé de raison valable, sachant que le beurre contient 80% de matières grasses et qu’elles sont solides à froid.

Si quelqu’un connait la raison, n’hésitez pas à la partager dans les commentaires.

La bonne température pour le mélange

Le beurre de cacao a une courbe de fusion très particulière, avec une solidification (ou une liquéfaction) très rapide entre 30°C et 35°C. C’est pour cela que le chocolat « fond dans la bouche (37°C) et pas dans la main (20°C) ».

C’est pour cette raison qu’il faut que le mélange au chocolat soit tiède (autour de 40°C) avant d’ajouter les blancs d’œufs en neige.

Sinon le beurre de cacao va se solidifier et risque de former des grumeaux avant que le mélange ne soit réalisé.

représentation schématique d'une émulsion de chocolat avec de la crème et/ou des jaunes
solidification de différents beurres de cacao en fonction de la température

Et le chocolat au lait ?

Le chocolat au lait n’est pas idéal pour réaliser des mousses ! En effet, il contient moins de cacao, et donc moins de beurre de cacao que le chocolat noir. Du coup, la mousse est moins ferme.

Selon la législation :

  • le chocolat noir doit contenir au moins 43% de cacao.
  • le chocolat au lait doit contenir au moins 25% de cacao.

Si vous voulez une mousse qui a un goût de chocolat moins fort (ce qui est dommage quand même pour une mousse au chocolat), il vaut mieux utiliser du chocolat noir mais en moindre quantité.

Qu’est-ce qu’une mousse ?

Une mousse est une préparation qui contient des bulles de gaz piégées dans une phase liquide (mousses liquides) ou solide (mousses solides).

Les blancs en neige sont une mousse liquide dans laquelle les bulles d’air (introduites par le fouet) sont retenues par le réseau des protéines du blanc d’œuf qui baignent dans l’eau du blanc. Rappelez-vous qu’un blanc d’œuf c’est 90% d’eau et 10% de protéines.

  • au début (image 2), le fouet déroule les protéines et introduit des bulles d’air. Les protéines s’attachent entre-elles et se positionnent autour des bulles d’air.
  • quand on continue à fouetter (image 3), le fouet divise les bulles d’air qui deviennent de plus en plus petites. C’est pour cela que le blanc (qui est jaunâtre à l’état liquide) devient plus blanc, car les petites bulles d’air renvoient plus la lumière.
représentation schématique de la formation des blancs en neige.
représentation schématique de la formation des blancs en neige

Si le blanc d’œuf n’est pas assez battu

  • les bulles d’air ne sont pas assez petites. Elles ont tendance à se regrouper et à éclater.
  • Le réseau de protéines n’est pas assez développé et fort pour retenir l’eau, qui va tomber au fond du récipient par gravité.

C’est pour cela qu’il faut

  • battre les blancs à vitesse lente et pendant longtemps, pour laisser le temps aux protéines de bien se dérouler et de s’attacher les unes aux autres.
  • mettre le sucre dès le début, pour qu’il se dissolve dans l’eau des blancs et rende le liquide plus visqueux. Ça permet la formation de plus de bulles et de plus petite taille (pour des blancs plus mousseux), et ça limite le déplacement des bulles d’air (pensez à une bulle d’air emprisonnée dans du miel).

Les photos ci-après montrent des mousses au chocolat réalisées avec des blancs pas assez battus (à gauche) et bien battus (à droite). Pour la mousse réalisée avec des blancs pas assez battus, il y a peu de bulles en surface, et le fond est crémeux mais pas mousseux. C’est probablement parce que des bulles ont éclaté et que l’eau a coulé dans le fond.

Il y a plein de recettes de mousses au chocolat !

En préparant cet article, j’ai comparé et testé de nombreuses recettes. Leurs créateurs ont joué sur 3 paramètres pour obtenir le goût et la texture qu’ils souhaitent

  1. la composition du chocolat (% de cacao et de matière grasse),
  2. les proportions des différents ingrédients (utilisation ou non de jaunes, quantité de liquide)
  3. la technique de la mousse (blanc en neige sucrés ou non, sabayon, crème fouettée, etc.).

Dans le tableau ci-après, j’ai comparé 4 recettes courantes de mousses au chocolat. Pour neutraliser l’effet du chocolat dans la comparaison, j’ai fait les calculs avec le même chocolat (Chocolat Dessert Noir de chez Nestlé, avec 52% de cacao).

Comme vous pouvez le voir, les grandes différences entre ces recettes résident dans l’utilisation ou non de jaunes, et dans l’ajout de crème et de lait qui influencent

  • le % de beurre de cacao : plus il y en a, plus la mousse est compacte
  • le % de liquide : plus il y en a, plus la mousse est légère
  • le % de sucre : il est directement lié à la quantité de chocolat et des autres ingrédients dans la recette
comparaison de différentes recettes de mousses au chocolat

Liens vers les recettes originales : Nestlé; ENIL, CMF (C’est Ma Fournée); Conticini

Si vous avez une recette préférée et que vous voulez calculer sa composition, n’hésitez pas à me le demander dans les commentaires. Je me ferai un plaisir de vous donner les formules pour le calcul.

Quelles implications en cuisine ?


Emulsionnez bien la préparation au chocolat

Que vous utilisiez des jaunes d’œuf ou de la crème, il est important de bien fouetter la préparation au chocolat fondu. On veut que les gouttelettes de matière grasse soient les plus petites possible, et qu’elles soient bien réparties dans la préparation.

Ne vous contentez pas de juste remuer. Si les gouttelettes de beurre de cacao sont trop grosses elles vont former des « grumeaux » quand le chocolat va refroidir et vous aurez une mousse granuleuse.

Battez les blancs doucement et longtemps

On veut des blancs qui sont suffisamment montés et fermes, pour une mousse légère et aérienne. Mais pas trop fermes non plus pour ne pas les casser quand on les incorpore à la préparation au chocolat.

Pour cela, il faut les monter pendant longtemps (au moins 3 mn) et à vitesse lente. Si on bat à vitesse trop rapide, toutes les protéines n’ont pas le temps de se dérouler et les blancs tiennent moins bien. Et si on ne bat pas assez longtemps, les bulles d’air sont grosses et risquent de se regrouper et d’éclater.

On parle de bec d’oiseau quand les blancs sont bien mousseux et fermes (mais pas solides) pour former un pic qui ressemble à un bec d’oiseau quand on soulève le fouet.

blancs en bec d'oiseau
blancs en bec d’oiseau

La bonne température pour le mélange avec les œufs en neige

Il faut que la préparation au chocolat soit encore tiède quand vous mélangez les blancs. Sinon, le chocolat fige trop tôt et votre mousse risque d’être granuleuse.

La bonne température est autour de 40°C. Si vous n’avez pas de thermomètre, c’est la température d’un bain tiède.

Le choix du chocolat

Pas besoin de se ruiner avec des chocolats premiums ! On peut obtenir une très bonne mousse au chocolat avec un chocolat « normal » qui contient au moins 31% de matières grasses.

Et pour le goût, c’est le taux d’extraits secs de cacao qui donne le goût de chocolat. Et le taux d’extraits secs de cacao = le % de cacao – le % de matière grasse.

comparaison de la composition de différents chocolats noirs
comparaison de la composition de différents chocolats noirs

Les références

Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.

  1. Fiche pédagogique; ENIL Besançon : « Quel est le rôle de chaque ingrédient dans la mousse au chocolat ? »
  2. Hervé This, l’actualité chimique – mai 2008 – n° 319; Dans la famille « mousses au chocolat »…
  3. Baker Group : Graisses de confiserie.

La recette


La recette que je vous propose est adaptée de celle de Philippe Conticini. De toutes les recettes que j’ai testées, c’est celle que j’ai préférée car elle donne une mousse légère et très mousseuse.

Si vous préférez une mousse un peu plus ferme avec plus de mâche, je vous recommande celle publiée par Valérie sur son blog C’est Ma Fournée.

Une mousse au chocolat légère et très mousseuse

5 from 4 votes
Temps de préparation 10 minutes
temps de repos 4 heures
Temps total 4 heures 10 minutes
Type de plat Dessert
Cuisine Française
Portions 6 petits ramequins ou 4 gros

Equipements

  • 1 casserole pour faire chauffer la crème et le lait
  • 1 récipient type cul de poule ou grand saladier pour préparer l'émulsion au chocolat et incorporer les œufs en neige
  • 1 grand récipient de type cul de poule ou saladier pour battre les œufs en neige
  • 1 fouet à main ou un robot électrique
  • 1 maryse ou une cuillère en bois
  • 4 ou 6 ramequins dans lesquels vous allez servir les mousses.
  • film plastique ou papier d'aluminium pour recouvrir les ramequins pendant qu'ils refroidissent

Ingrédients
  

  • 125 g chocolat noir au moins 52% de cacao et 31% de matière grasse
  • 3 blancs d'oeufs
  • 75 g crème liquide entière au moins 30% de MG
  • 35 g lait demi-écrémé soit 2 CS mesure
  • 15 g sucre en poudre soit 1 CS mesure

Instructions
 

Pour la préparation au chocolat

  • hachez les 125g de chocolat au couteau et mettez-les dans un récipient assez grand pour permettre le mélange final avec les blancs d'œufs en neige
  • mettez les 75g de crème et les 35g de lait dans une casserole et faites chauffer jusqu'à 80°C (ou quand ça commence à fumer).
  • versez le liquide chaud sur le chocolat haché. Laissez fondre quelques instants et fouettez pour bien mélanger (émulsionner) l'ensemble.

Pour les blancs en neige

  • Versez les 3 blancs et les 15g de sucre dans la cuve du robot ou dans un grand récipient.
  • Fouettez à vitesse lente pendant au moins 3 mn jusqu'à ce que les blancs soient mousseux et fermes, mais pas trop compacts (bec d'oiseau).

Pour le mélange

  • Assurez-vous que la préparation au chocolat est encore tiède (autour de 40°C). Si elle est plus froide, faites la chauffer quelques instants au dessus d'une casserole d'eau qui chauffe.
  • ajoutez 1/3 des blancs à la préparation au chocolat et mélangez énergiquement au fouet pour la "détendre".
  • ajoutez le reste des blancs et incorporez délicatement avec une maryse ou une cuillère en bois, en allant du centre vers le bord, en soulevant la préparation, et en faisant tourner le récipient d'1/4 de tour à chaque fois.

Répartition et prise au froid

  • Versez la préparation finale dans un récipient muni d'un bec (type pichet ou verre doseur). Ce sera plus facile pour la verser dans les ramequins car elle est assez liquide.
  • Versez dans les ramequins
  • Filmez et laissez refroidir pendant au moins 4h au froid, pour que la mousse prenne.

Notes

Pour une mousse avec un goût de chocolat moins fort, vous pouvez diminuer la quantité de chocolat à 100 g.
Vous pouvez congeler les jaunes d’œuf pour une utilisation ultérieure (pâtes fraiches, blanquette, gnocchis, crème anglaise, etc.) ou les mélanger à un peu de lait pour faire une omelette.
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