Le caramel au beurre salé est une friandise emblématique de la cuisine Bretonne qui a conquis le monde entier sous ses différentes formes (pâte, sauce, bonbons).
Bien qu’il ne contienne que 3 ingrédients (du sucre, du beurre salé et de la crème), sa préparation peut être délicate pour obtenir la texture et le goût souhaités. Je dois reconnaitre que j’ai passé plus de temps que je n’avais imaginé pour comprendre ce qu’il fallait faire – et ne pas faire – pour obtenir un résultat équilibré et onctueux.
La version courte
Mes 4 conseils pour réussir un délicieux caramel au beurre salé
- Mouillez le sucre avant de le faire chauffer. Il ne formera pas de cristaux.
- Attendez que le caramel ait une couleur brun clair. Il sera moins sucré.
- Faites chauffer la crème, et versez la petit à petit. Ça évite que le caramel ne prenne en masse.
- Laissez refroidir la préparation avant d’ajouter le beurre. Le caramel sera moins gras et plus onctueux.
A la fin de cet article, je vous propose une recette de caramel au beurre salé que j’ai développée après en avoir testé et gouté un grand nombre.
Que nous dit la science ?
Le caramel
Comme nous l’avons vu dans un article précèdent sur le pop-corn au caramel, il suffit de faire chauffer du sucre de table (saccharose) pour obtenir du caramel. En présence d’eau (ajoutée ou contenue dans le sucre), les molécules de saccharose de décomposent pour donner 1 molécule de glucose et 1 molécule de fructose. A ce stade, on a un sirop de sucre.
Quand on continue à chauffer, les molécules de glucose et de fructose s’agitent et se rentrent dedans.
- Certaines s’assemblent pour donner de nouvelles molécules (polymères), responsables de la couleur et du goût du caramel,
- D’autres se décomposent pour donner des composés volatils que l’on perçoit en mangeant : notes de beurre (diacétyle), de noix (furane), de pain grillé (maltol) ou de fruits (acétate d’éthyle)
Plus on chauffe, plus l’eau s’évapore, plus la température augmente, plus les molécules s’assemblent, et plus le caramel prend une couleur foncée et un goût amer.
La dissolution du sucre
Les cristaux de sucre sont des empilements de molécules de saccharose reliées entre elles par des liaisons chimiques (ponts hydrogène).
Quand on met du sucre dans de l’eau (ou du thé, du café), les molécules d’eau attirent les molécules de sucre (saccharose). Elles se détachent les unes des autres et les cristaux de sucre de défont : on dit que le sucre se dissout dans l’eau.
La solubilité du sucre de table est de 66% dans de l’eau à 20°C, c’est-à-dire que l’on peut dissoudre 200g de sucre dans 100ml d’eau (66% = 200/(200+100)). Elle est de 83% à 100°C (soit presque 500g de sucre dans 100 ml d’eau !).
En mouillant le sucre avant de le faire chauffer, on défait les cristaux et on diminue le risque que le caramel ne cristallise.
Le rôle de la crème
La crème contient de l’eau (65%), des matières grasses (30%), des protéines (2%) et des sucres du lait (3%). Elle a 3 rôles dans la préparation du caramel
1) rendre le caramel liquide
Les molécules produites pendant la caramélisation sont très hygroscopiques (elles se lient bien à l’eau). L’ajout d’eau évite donc que le caramel ne devienne dur quand il refroidit. On dit qu’on « décuit » le caramel.
2) produire des goûts supplémentaires
Comme la crème contient des protéines et des sucres, il se produit des réactions de brunissement (faussement appelées réactions de Maillard) quand on verse la crème dans le mélange de sucre très chaud.
Ces réactions produisent des composés qui donnent du goût et de la couleur à la préparation (pensez à la croute du pain ou à la surface d’une viande grillée). C’est pour cette raison que le caramel est plus foncé une fois qu’on ajoute de la crème.
C’est ce qui se passe quand on prépare de la confiture de lait en faisant chauffer du lait concentré. La couleur et le goût ne sont pas dus à la caramélisation, mais à des réactions de brunissement (faussement appelées réactions de Maillard).
3) apporter du goût et de l’onctuosité
La matière grasse de la crème apporte aussi du goût et de l’onctuosité au caramel.
Le rôle du beurre
Le beurre contient essentiellement des matières grasses (80%) et de l’eau (18%). Son rôle dans le caramel au beurre salé est surtout d’apporter de l’onctuosité.
En effet, le beurre est une matière « plastique ». Il devient mou à température ambiante (beurre pommade). Son incorporation au caramel donne de la souplesse et de l’onctuosité à la préparation.
Attention : si vous faites fondre le beurre (en le faisant chauffer avec le sucre ou en l’incorporant dans un caramel trop chaud), il fond et perd sa plasticité.
La preuve : faites fondre un morceau de beurre (dans une casserole ou au micro-ondes) et laissez le refroidir à température ambiante. Vous verrez que le beurre refroidi a une texture presque liquide et granuleuse à température ambiante.
Le beurre salé
Le beurre demi-sel contient entre 0.5% et 3% de sel, et le beurre salé plus de 3%, c’est à dire plus de 3g de sel pour 100g de beurre.
Si vous n’avez pas de beurre salé ou demi-sel, vous pouvez ajouter du sel au moment où vous ajoutez le beurre. Idéalement du gros sel moulu ou de la fleur de sel qui croqueront sous la dent.
L’addiction au caramel au beurre salé est expliquée par la science
Lorsqu’on mange du sucre, du gras ou du sel, il arrive un moment où le cerveau est saturé : on parle de saturation hédoniste (l’hédonisme est la recherche du plaisir).
Des chercheurs de l’Université de Floride ont montré que quand on mélange ces 3 goûts dans une préparation complexe où aucun goût ne domine – comme c’est le cas pour le caramel au beurre salé – il se produit un phénomène d’addiction : l’escalade hédoniste.
Comme on découvre des goûts nouveaux à chaque bouchée (sucré, salé, gras, noix, etc.), notre cerveau nous commande de recommencer pour poursuivre l’expérience.
Ce phénomène est bien connu des producteurs de friandises et de biscuits apéritifs, dont l’objectif est de nous en faire manger toujours plus.
Je l’ai vérifié chez moi pendant mes essais de recette. Ma chère et tendre commençait par râler en disant « oh non, encore du caramel au beurre salé ! » … avant de finir le pot petit à petit l’air de rien quand la recette était bonne 🤣
Quelles implications en cuisine ?
Mouillez le sucre
Bien qu’il soit possible de réaliser un caramel à sec, je recommande fortement de mouiller le sucre avant de le faire chauffer, et de le remuer pour bien le dissoudre.
Ainsi, il chauffera uniformément et vous ne risquerez pas d’avoir des cristaux dans votre caramel.
Utilisez une poêle ou une grande casserole
Avec un grand ustensile, le sucre mouillé est moins épais et la chaleur se propage plus rapidement. De plus, il y a une plus grande surface d’évaporation et le sucre cuit plus vite.
Les bonnes proportions
Pour écrire cet article, j’ai collecté et comparé 15 recettes publiées par des chefs et des sites de référence. Vous pouvez voir sur le graphique qu’il existe des grandes différences dans les proportions de beurre et de crème entre ces recettes.
Après avoir goûté les recettes les plus « extrêmes », j’ai trouvé que les bonnes proportions sont de 150g de crème liquide et 25g de beurre salé pour 100g de sucre.
N’hésitez pas à faire varier légèrement ces proportions pour trouver le goût et la texture qui vous conviennent.
Baissez le feu dès que ça colore
Après la phase d’évaporation de l’eau qui peut être longue, le changement de couleur (et de goût) du caramel est très rapide, à quelques degrés près !
Pensez à baisser le feu dès que le mélange commence à colorer.
Ajoutez le beurre à la fin
Certaines recettes recommandent de mettre le beurre au début et de le faire fondre avec le sucre. D’autres recommandent d’incorporer le beurre à la fin, après avoir ajouté la crème et décuit le caramel.
J’ai essayé les 2 méthodes, et je recommande vivement de mettre le beurre à la fin, après avoir laissé la préparation refroidir un peu (entre 40 et 50°C).
Sinon :
- le caramel est gras : il est difficile de faire une émulsion entre le gras du beurre fondu et l’eau apportée par la crème. Le gras surnage et est très présent en bouche.
- le caramel est moins crémeux : le beurre fondu perd sa plasticité. Quand il refroidit, il devient plus dur et granuleux que du beurre non fondu.
Plus c’est foncé, moins c’est sucré
Le pouvoir sucrant d’un produit est déterminé par des tests sensoriels. La référence est le sucre de table qui a un pouvoir sucrant de 100. Le sirop de sucre, produit au début de préparation du caramel, a un pouvoir sucrant de 110 à 130. Et le fructose a un pouvoir sucrant de 130.
Nous avons vu que plus le caramel cuit, plus il est coloré et moins il contient de fructose et de glucose. Donc un caramel foncé a un goût moins sucré qu’un caramel blond, même s’il contient autant de sucres.
Faites chauffer la crème et versez la doucement
L’ajout de la crème dans le sucre fondu provoque un refroidissement et le durcissement du caramel.
Si vous faites chauffer la crème, la différence de température est moins importante et le sucre prend moins en masse.
De même, il est important de verser la crème doucement et de remuer, pour éviter un refroidissement trop rapide du caramel.
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés
- The Food Untold : the Science Behind Caramelisation
- Food Crumbles : How to Make Caramel
- Cammy Crolic, Chris Janiszewski, Hedonic Escalation: When Food Just Tastes Better and Better, Journal of Consumer Research, Volume 43, Issue 3, October 2016, Pages 388–406, https://doi.org/10.1093/jcr/ucw032
La recette
Caramel au beurre salé
Equipements
- 1 poêle ou grande casserole
- 1 fouet ou cuillère en bois pour mélanger la crème au caramel chaud, et incorporer le beurre.
Ingrédients
- 150 ml crème à 30% de MG
- 100 g sucre blanc en poudre
- 50 ml d'eau pour mouiller le sucre avant de le faire cuire
- 25 g beurre doux, demi-sel ou salé
- fleur de sel si vous utilisez du beurre doux
Instructions
- Versez les 100g de sucre dans une poêle ou une grande casserole et mouillez le avec 50 ml d'eau. Remuez pour bien dissoudre le sucre.
- Faites chauffer à feu moyen (6/9) en faisant tourner la casserole ou la poêle pour bien répartir la chaleur.
- Quand le caramel commence à colorer, baissez le feu et faites chauffer les 150 ml de crème au micro-ondes ou dans une casserole.
- Quand le caramel a la couleur que vous souhaitez, versez y doucement la crème chaude en remuant avec un fouet ou une cuillère en bois. Attention aux projections !
- Remettez sur feu doux et remuez pour dissoudre les morceaux de caramel qui se sont formés. Quand la préparation est homogène, coupez le feu et laissez refroidir.Vous pouvez accélérer le refroidissement en trempant le fond de la casserole dans un récipient d'eau froide.
- Quand la température est autour de 40 à 60°C (température d'un bain chaud), mettez le beurre coupé en morceaux et le sel. Fouettez pour incorporer.
- Versez la préparation dans un pot et laissez la refroidir. Conservez au frais.
- Dégustez sur une tartine, une crêpe, une gaufre, une tarte, un fruit, ou simplement à la cuillère.
Bonjour, c’est effectivement dans cet ordre que j’ai appris à faire le caramel BS lors de ma formation de crêpier. Pour l’avoir testé, le goût est meilleur dans cet ordre. Par contre je fais un caramel à sec. On peut incorporer la crème étant froide, mais en 3 ou 4 fois pour qu’elle ne masse pas. Mon secret de chef pour un résultat meilleur et une aspect du plus bel effet : un coup de mixer plongeant après avoir incorporer le beurre. Le caramel est plus lisse car la caséine a été dispersée par la lame du mixeur.
Bonsoir,
Merci pour votre message et pour le partage de vos secrets de chef, avec lesquels je suis totalement aligné. Cordialement,
Bonjour,
Vous trouverez plein de recettes « caramel » sur le blog de Bernard Dauphin.
Cordialement.
Bonjour, un grand merci de nous donner les clés de recettes réussies. On trouve tellement de fantaisie dans les recettes de cuisine ! En outre, vous nous donner à comprendre le pourquoi des choses. J’adore ! Avez-vous une idée de la dose de beurre pour permettre de faire des bonbons ? 2 fois moins de beurre ?
Bonjour,
Pour faire des caramels mous (au beurre salé ou pas), c’est surtout la quantité de crème qu’il faut réduire, pour que la consistance soit épaisse. Je n’ai pas testé de recette. La plupart des recettes de référence que j’ai lues recommandent la même quantité de beurre et de crème et 30% du poids du sucre chacune.
Tenez nous au courant !
Cordialement,
Bonjour, un grand merci de nous donner les clés de recettes réussies. On trouve tellement de fantaisie dans les recettes de cuisine ! En outre, vous nous donner à comprendre le pourquoi des choses. J’adore !
Bonjour,
Merci pour votre message et vos gentils mots d’encouragement. C’est très motivant !
Cordialement,
Bonjour ,quelle est la température idéale du sucre pour la recette. Merci pour vos précieux conseils.
Bonjour. Merci pour votre message et vos gentils mots. Pour le caramel, je le fais plutôt à l’œil en surveillant la couleur. J’aime bien le goût du caramel un peu foncé, autour de 175 degrés. Il a un goût moins sucré que du caramel plus pâle.
Comme toujours, essayez différentes couleurs pour trouver celle qui vous convient.
Cordialement,
Merci pour votre réponse.
Cordialement.
Mon cerveau d’hédoniste est plus « câblé » chocolat que caramel mais cet article m’a beaucoup intéressée !! Merci pour vos explications qu’on ne retrouvent jamais aussi bien ailleurs. On attend votre livre !!
Bonjour,
Merci pour votre message et vos encouragements. Je suis ravi que les explications vous aient intéressée. Il existe des recettes de caramel au beurre salé et au chocolat si vous voulez faire l’expérience ! Je n’en ai pas essayé car je préfère l’un ou l’autre.
Cordialement,
Bonjour,
Où sont passées mes menottes : faut que je m’attache au radiateur plutôt que de filer en cuisine 🙂
Je vais craquer…
Du coup, 9 km à pied au lieu de 8 pour cet après-midi.
Merci pour la recette et les informations jointes.
Cordialement.
Bonjour,
Merci pour votre message. Très content que l’article vous ait intéressée. La marche, c’est bon pour la santé !
Un petit conseil : préparez une petite quantité (100 ml) 😉
Cordialement,
J’adore vos explications et ça me permet de réussir à tous les coups des recettes qui parfois me semblaient inégales. Merci à vous
Je ne regrette pas mon abonnement !
Bonjour,
Merci beaucoup pour vos très gentils mots. C’est exactement la raison pour laquelle je publie ces articles : pour que vous puissiez réussir ces recettes en comprenant ce qu’il faut faire – et ne pas faire – faire plaisir et vous faire plaisir. Des messages comme le vôtre sont très stimulants !
Cordialement,
merci pour cette recette déliceuse
Bonjour,
Merci pour votre message. J’espère que vous allez vous régaler (avec modération bien sur ;-)).
Cordialement,