J’ai longtemps cru que je n’aimais pas les babas au rhum car j’avais été dégoûté par ces gâteaux trop imbibés et alcoolisés qu’on trouve trop souvent dans certains restaurants et pâtisseries.
Jusqu’au jour où j’ai goûté de délicieux babas lors d’un voyage à Naples. Dès mon retour, j’ai étudié et testé de nombreuses recettes, et j’ai essayé de comprendre comment obtenir facilement de délicieux babas. Je suis heureux de partager les résultats avec vous.
La version courte
Il est facile de réussir de délicieux babas, légers et gourmands, même sans robot pâtissier. La préparation est un peu longue à cause du temps de pousse, mais vos efforts seront récompensés !
Mes conseils :
- Utilisez une farine qui contient beaucoup de protéines (> 11%), type farine à pain, pour avoir un bon réseau de gluten.
- Utilisez une recette qui ne contient pas trop de beurre, ni trop de liquide, pour une mie aérée mais pas trop.
- Pétrissez longtemps, et ajoutez le beurre à la fin.
- Faites sécher les babas au four plutôt qu’à l’air libre, pour qu’ils soient bien secs et absorbent bien le sirop.
- Préparez un sirop léger, pas trop sucré ni alcoolisé, et faites-le tiédir avant d’imbiber les babas.
A la fin de cet article, je vous propose une recette que j’ai découverte grâce à Anna, et qui a obtenu les meilleurs résultats des nombreux tests que j’ai réalisés. Un grand merci à celles et ceux qui ont goûté et commenté mes différentes recettes de babas ces dernières semaines.
Que nous dit la science ?
Les pâtes levées
Les babas sont des petits pains enrichis avec des œufs et du beurre. Le pain est un mélange de farine, de levure boulangère et d’eau (ou de lait). La pâte est pétrie (pour former le réseau de gluten) et fermentée par les levures boulangères qui produisent du CO2 et des composés sapides et odorants.
En bref, les grains d’amidon de la farine sont entourés de protéines. Ces protéines sont repliées sur elles même comme des pelotes de laine.

Au contact de l’eau, les protéines se déroulent et s’attachent les une aux autres. Et plus on pétrit, plus les protéines s’attachent et s’alignent pour former un réseau de gluten à 3 dimension.


C’est pour cela qu’il est important de bien pétrir la pâte, pour développer un solide réseau de gluten qui va emprisonner les bulles de CO2 pendant la pousse, et les bulles de vapeur pendant la cuisson, pour donner une mie bien aérée.

Pour plus de détails sur les étapes de la panification, je vous propose de (re)lire les articles sur les pains pita, les pains au lait ou les naans.
Le beurre à la fin
Comme nous l’avons vu dans l’article sur les tortillas de blé, les matières grasses limitent la formation du réseau de gluten par 2 actions :
- en empêchant l’eau d’entrer en contact avec les molécules du gluten (gliadine et gluténine), ce qui les empêche de se dérouler.
- en empêchant la formation de longs brins de gluten.

C’est pour cela que pour toutes les préparations de pâte levée qui contiennent des matières grasses (brioches, babas), il est important de ne pas les incorporer au début. Il faut d’abord pétrir le mélange pour développer le réseau de gluten, puis incorporer les matières grasses.
Les bonnes proportions
Pour préparer cet article, j’ai étudié une 30aine de recettes de babas proposées par des Chefs et des sites de référence. Je les ai comparées en fonction de la proportion de liquide (venant de l’eau, du lait ou des œufs), de la proportion de beurre et de la proportion d’œufs par rapport au poids de la farine.
J’ai testé plusieurs d’entre elles. Le graphique suivant les représente en fonction du pourcentage de liquide de la pâte (axe horizontal) et du pourcentage de beurre (axe vertical). On distingue 4 groupes de recettes :
- Celles qui contiennent beaucoup de beurre (plus de 40% du poids de la farine) : elles ont un goût qui se rapproche beaucoup trop des brioches à mon goût.
- Celles qui contiennent beaucoup de liquide (plus de 80% du poids de la farine) : elles ont une mie très aérée et deviennent très spongieuses après l’imbibage.
- Celles qui contiennent peu de liquide (moins de 60% du poids de la farine) : elles ont une mie très serrée et restent sèches même après imbibage.
- Celles qui selon moi on les bonnes proportions : pas trop de beurre (entre 20 et 30% de la farine) et la bonne quantité de liquide (entre 60% et 80% de la farine).

La recette que je vous propose rentre dans cette catégorie : 75% de liquide et 20% de beurre. Elle est très proche de ma recette de pain au lait, sauf qu’elle contient aussi des œufs.
Le séchage des babas
Comme nous l’avons vu dans des articles précédents sur le pain rassis ou la salade panzanella, il faut que les babas soient bien secs pour qu’ils puissent absorber une grande quantité de sirop.
Certaines recettes recommandent de laisser les babas sécher à l’air après la cuisson. Mais comme pour le pain, ils durcissent (par rétrogradation de leur amidon) mais ne perdent pas beaucoup d’eau. Et donc ils n’en absorbent pas beaucoup lors de l’imbibage.

Il vaut mieux les faire sécher au four, comme on ferait avec des croutons de pain, pour éliminer le plus d’humidité possible. Ainsi, ils sont vraiment secs et absorbent plus de sirop lors de l’imbibage.
L’imbibage
L’imbibage dans le sirop est une étape essentielle de la préparation et de la réussite des babas. Il fait intervenir des éléments physiques passionnants ☺️ qu’il est important de connaitre et de comprendre.
La capillarité
Vous êtes vous déjà demandé comment un baba que l’on pose sur un sirop se gorge de ce sirop ? C’est grâce à la capillarité !
La capillarité est un phénomène physique qui permet aux liquides de monter à l’intérieur d’un espace. C’est ce qui explique que la sève peut monter dans les arbres, l’eau être absorbée par une éponge ou un papier absorbant, monter dans une paille, le café monter dans un morceau de sucre … et le sirop à l’intérieur du baba. Et plus l’espace est fin, plus le liquide monte. D’ailleurs, le mot capillarité vient de cheveux (« aussi fin qu’un cheveu »).
Pour faire simple, les molécules d’eau dans un récipient sont liées à leurs voisines dans toutes les directions. Mais celles qui se trouvent au contact de l’air sont en manque de liaisons. Elles montent le long des parois du tube pour compenser ce manque de contact (1). Leurs voisines du dessous veulent rester groupées et montent également (2) . Et ainsi de suite (3) jusqu’à ce que la gravité stoppe cette progression (4). Et plus le tube est fin, plus le liquide peut monter.

Et c’est comme cela que le sirop pénètre à l’intérieur des babas. Fascinant, non ?
La force du sirop
Si le sirop est très sucré ou alcoolisé, les molécules d’eau au contact de l’air sont moins en manque de contact, et le sirop pénètre moins à l’intérieur du baba. C’est pour cela que le sirop d’imbibage ne doit pas être trop sucré, ni trop alcoolisé.
Et c’est aussi pour cette raison qu’un sucre trempé dans un verre d’alcool absorbe moins de liquide que dans un verre d’eau ou une tasse de café.
La bonne proportion pour un sirop d’imbibage est de 400g de sucre et 300 ml de rhum pour 1 litre d’eau. Ca correspond à 23° Brix ou 13° Baumé. Pour ceux que ça intéresse, je vous recommande la lecture de cet article sur le calcul et la signification des degrés Brix ou Baumé pour les sirops.
Température et viscosité
Si le sirop est froid, il est visqueux et pénètre moins facilement dans les babas. C’est pour cela qu’on recommande de faire légèrement tiédir le sirop (entre 40°C et 50°C) avant d’imbiber les babas.
Mais attention : si le sirop est trop chaud, il détruit la structure du baba en faisant gonfler les grains d’amidon et éclater le baba. Pensez à un spaghetti plongé dans une eau très chaude : il gonfle et devient tout mou.
Il faut donc que les babas soient froids, et le sirop juste tiède pour réussir l’imbibage.

Quelles implications en cuisine ?
Unr farine qui contient beaucoup de protéines
Il est important d’utiliser une farine qui contient beaucoup de protéines (au moins 11%), type farine à pain. Ainsi, vous aurez un bon réseau de gluten pour une mie aérée.
Pétrissez longtemps
Souvenez-vous qu’on a besoin d’un réseau de gluten suffisamment solide pour retenir les bulles de vapeur pendant la cuisson et donner une mie aérée. Il faut donc pétrir longtemps, au moins 10 mn, pour obtenir une pâte bien élastique. Mettez un chronomètre ou regardez l’heure !
A la main, hydratez progressivement
Si vous préparez les babas à la main comme c’est mon cas (je m’efforce de ne proposer que des recettes que l’on peut réaliser sans robot), je vous conseille de ne pas verser tous les liquides au début. Sinon la pâte est très collante et difficile à pétrir.
Hydratez la farine avec le lait et la moitié des œufs, juste assez pour pouvoir la pétrir mais sans qu’elle ne colle trop. Quand la pâte est lisse et élastique, incorporez progressivement le reste des œufs.
Le beurre c’est après le pétrissage
Les matières grasses gênent la formation du réseau de gluten. C’est bien pour les tartes et les gâteaux, mais pas pour les brioches et les babas. Il faut donc ajouter le beurre à la fin, après avoir longtemps pétri la pâte, à la main ou au robot, et développé le réseau de gluten.
Beurre fondu ou pommade, c’est comme vous voulez
Certaines recettes recommandent du beurre fondu, d’autres du beurre pommade. J’ai essayé les 2 et je n’ai pas trouvé de différence de goût ou de texture. Il faut dire que la quantité de beurre est si faible (20% de la farine) que le rôle de l’eau du beurre (4% de la farine) est négligeable.
Donc faites comme vous voulez. A la main, je trouve que c’est plus facile d’utiliser du beurre fondu refroidi.
1 pousse, c’est suffisant
Certaines recettes recommandent 1 pousse, d’autres 2. Là aussi, j’ai essayé les 2 et je n’ai pas trouvé de différence de goût ou de texture. Comme la pâte est plutôt collante et difficile à travailler, je recommande 1 seule pousse, en remplissant les moules à moitié.
Une double cuisson pour des babas bien secs
Souvenez-vous qu’il faut que les babas soient bien secs pour qu’ils absorbent bien le sirop. Il y a 2 approches : soit on cuit les babas et on les laisse sécher à l’air, soit on les cuit et on les fait sécher à température plus basse dans le four.
C’est cette seconde méthode que je vous propose car elle donne des babas bien secs avec une jolie croûte brune tout autour.
Soignez le sirop
Le sirop est aussi important que le gâteau pour les babas au rhum. Il ne doit pas être trop sucré (40% du volume d’eau) ni trop alcoolisé (30% du volume d’eau) pour bien pénétrer dans le baba.
Avec les moules que j’ai utilisés lors de mes essais (chaque empreinte contient 90 ml), les babas pesaient entre 30g et 35g après cuisson. Ils ont absorbé entre 2 et 3 fois leur poids de sirop selon les essais. Il faut donc prévoir au moins 100g de sirop par baba.

Un sirop tiède
Faites tiédir le sirop avant d’imbiber les babas (entre 40°C et 50°C, comme un bain chaud). Il pénètre plus et plus vite. Les babas doivent être froids avant de les plonger dans le sirop tiède.
Les références
Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.
- Alba Pezone ; In Cucina : mes plus belles recettes italiennes ; Hachette Pratique.
- Sweet Random Science : tension de surface et capillarité.
- U. P. Shinde ; IJCPS Vol. 4, No. 3, May-Jun 2015 : Surface Tension as a Function of Temperature and Concentration of Liquids.
- Bloc Notes culinaire : les sirops de sucre.
La recette

Des babas au rhum légers et gourmands
Equipements
- 4 moules à babas ou à muffins
- 1 grand saladier pour mélanger les ingrédients et finir le pétrissage de la pâte à la main.
- 1 cuillère en bois pour amalgamer la pâte avant le pétrissage sur le plan de travail.
- 1 petit bol pour faire tiédir le lait et activer la levure.
- 1 petit bol ou une petite casserole pour faire fondre le beurre.
- 1 grande casserole pour préparer le sirop et faire imbiber les babas 2 par 2
- 1 grand plat creux pour faire imbiber tous les babas en même temps
- 1 grille pour faire égoutter les babas après l'imbibage.
Ingrédients
Pour la pâte à baba
- 110 g de farine forte avec un taux élevé de protéines (au moins 11%)
- 8 g de levure fraiche de boulanger ou la quantité nécessaire de levure sèche selon les indications du fabricant.
- 50 ml de lait entier ou demi-écrémé
- 1/2 c. à café de sel
- 1 gros œuf battu en omelette.
- 25 g de beurre doux à faire fondre puis refroidir.
Pour le sirop
- 500 ml d'eau
- 200 g de sucre soit 40% de l'eau
- 150 ml de rhum soit 30% de l'eau
- 1 gousse de vanille ou 1 c. à café d'extrait, 1 badiane, des zestes d'orange ou de citron, etc. selon vos envies.
Instructions
Préparation de la pâte à babas à la main
- Dans un petit récipient, faites légèrement tiédir le lait et versez-y la levure de boulanger. Mélangez et laissez la levure s'activer une 10aine de minutes. Elle doit mousser si elle est encore active.
- Faites fondre le beurre dans une casserole ou au micro-ondes et laissez-le refroidir. Fouettez l'oeuf dans un petit récipient.
- Dans un grand saladier, versez la farine, le sucre et le sel et mélangez. Versez-y le lait et la levure, et la moitié de l'œuf battu. Amalgamez avec le manche d'une cuillère en bois.
- Versez la pâte sur le plan de travail et pétrissez pendant 10 minutes. Vous devez obtenir une pâte souple et élastique. Remettez la pâte dans le saladier et incorporez progressivement le reste de l'œuf battu en pétrissant. Puis versez le beurre fondu refroidi et incorporez-le à la pâte en pétrissant.
- Si la pâte est très collante, trempez vos doigts dans de l'eau avant de la manipuler.
Préparation de la pâte à babas au robot
- Mettez tous les ingrédients sauf le beurre dans la cuve du robot et pétrissez à vitesse moyenne pendant 5 mn avec le crochet.
- Quand la pâte se décolle des parois de la cuve, incorporez le beurre (froid ou fondu et refroidi) et pétrissez pendant 5 mn, jusqu'à obtenir une pâte lisse et très élastique.
Remplissage des moules et pousse de la pâte
- Beurrez les moules s'ils sont en métal (pas besoin s'ils sont en silicone). Remplissez-les à moitié de pâte avec une grande cuillère ou une poche à douille et posez-les sur une plaque à four. Egalisez le sommet avec le dos d'une cuillère trempé dans de l'eau pour une pousse harmonieuse.
- Laissez pousser à une température entre 25°C et 30°C jusqu'à ce que la pâte double de volume et forme un dôme au sommet des moules. Ca devrait prendre 2h environ. S'il fait froid dans votre cuisine, vous pouvez allumer votre four à 30°C, ou faire chauffer de l'eau dans votre micro-ondes et y faire pousser les babas.
Cuisson des babas
- Préchauffez le four à 170°C en chaleur tournante (ou 190°C en chaleur statique). Enfournez les babas pour 30 mn. Sortez-les, démoulez-les et posez-les sur la plaque recouverte de papier sulfurisé.
- Baissez la température du four à 160°C en chaleur tournante (180°C en chaleur statique). Enfournez pour 30 mn pour les faire sécher et durcir. Laissez-les refroidir à température ambiante.
Préparation du sirop
- Dans une grande casserole, versez l'eau et le sucre, ainsi que les parfums que vous aurez choisis (vanille, badiane, zestes, etc.). Faites chauffer jusqu'à ébullition et coupez le feu. Versez le rhum, couvrez et laissez infuser et refroidir.
Imbibage des babas
- Assurez vous que le sirop soit tiède (pas trop chaud) et plongez-y les babas la tête en bas. Quand ils commencent à s'enfoncer et à gonfler, retournez-les et laissez-les absorber le sirop par la base. Ils doivent doubler de volume.
- Vous pouvez imbiber les babas 2 par 2 dans la casserole, ou verser le sirop tiède dans un grand plat (type plat à four ou à gratin) et imbiber tous les babas en même temps. Il leur faut de l'espace pour gonfler.
- Quand ils sont souples et bien imbibés (au bout de 15 mn), sortez-les avec une écumoire et laissez-les s'égoutter sur une grille.
Service
- Servez les babas dans une assiette creuse ou une coupelle. Vous pouvez les arroser d'un peu de rhum ou d'un peu de sirop, et les accompagner de crème fouettée ou de morceaux de fruits frais.
Top, comme d’habitude
Bonjour,
Merci pour vos gentils mots. C’est très encourageant ! Je suis heureux que vous ayez trouvé cet article intéressant et utile. Bonne dégustation de délicieux babas !