Le clafoutis est un dessert gourmand et rapide à préparer, idéal pour un goûter ou terminer un repas en famille ou entre amis. J’ai comparé et testé de nombreuses recettes pour vous proposer quelques gestes simples pour réussir à tous les coups un clafoutis moelleux et léger.

La version courte


Le secret d’un bon clafoutis réside dans les proportions, le plat et la température de cuisson.

Pour les proportions

  • Pas trop d’amidon (entre 10% et 15%) pour un gâteau pas trop dense,
  • Pas trop d’œufs (20%), sinon on obtient un flan
  • Assez de matière grasse (entre 10% et 15%) pour un résultat gourmand et moelleux
  • De l’air apporté par le battage des œufs et du sucre, et/ou une pincée de levure chimique

Pour le plat et la température de cuisson

  • avec un plat en métal : une cuisson rapide (20 mn) à une température élevée (180°C)
  • avec un plat en céramique ou en verre : une cuisson plus longue (40 mn) à une température moins élevée (160°C)

A la fin de cet article, je vous propose une recette et un mode opératoire. A vous d’inventer vos proposes recettes de clafoutis, sucrés ou salés !

Que nous dit la science ?


Chaque ingrédient a un rôle

Pour plus de détails, je vous invite à (re)lire un article précédent sur les crêpes.

L’amidon

L’amidon apporte de la structure aux préparations culinaires. Et sa cuisson le rend plus digestible.

A froid et jusqu’à 60°C, l’eau pénètre dans les grains d’amidon et s’intercale entre les chaînes d’amylose et d’amylopectine (sorption). Les grains d’amidon gonflent et se rapprochent les uns des autres. La préparation épaissit (pensez à la pâte à crêpes).

A partir de 60°C, et au fur et à mesure de l’augmentation de la température, les grains d’amidon continuent à gonfler.

gélatinisation de l'amidon
gélatinisation de l’amidon

Si la cuisson est rapide (comme pour les crêpes ou les gaufres), les grains se soudent entre eux. Si la cuisson se prolonge (comme pour la plupart des gâteaux et la béchamel), certains grains d’amidon éclatent et libèrent leurs longues chaines d’amylose et d’amylopectine qui forment un réseau avec l’eau de la préparation.

Quand la préparation refroidit le réseau devient plus dense et donne de la consistance à l’ensemble. C’est pour cela qu’une béchamel ou un gâteau sont plus compacts froids que chauds.

Farine ou Maïzena ?

La maïzena (amidon de maïs) est de l’amidon pur alors que la farine de blé contient entre 65% et 80% d’amidon selon les farines. De plus, la Maïzena ne contient pas de gluten.

Il est donc intéressant d’utiliser de la Maïzena en pâtisserie :

  • Pour contrôler la quantité d’amidon
  • Pour éviter la formation de gluten (qui durcit à la cuisson) et pour les personnes intolérantes (coucou Anna)

Pour apporter une quantité équivalente d’amidon, on utilise généralement moitié moins de maïzena que de farine.

Mais on apporte moins de matière sèche. C’est pour cela que les recettes qui utilisent de la Maïzena utilisent également de la poudre (d’amandes ou de noisettes) pour compenser la différence de matière sèche.

Pas de bon clafoutis sans matière grasse !

En plus du goût, l’ajout de beurre fondu ou de crème à la pâte contribue au moelleux du clafoutis.

En effet, l’huile « capture » une partie de l’énergie transmise pendant la cuisson et réduit ainsi l’évaporation de l’eau. Du coup, les clafoutis faits avec de la crème ou du beurre fondu sont plus moelleux.

Avec du beurre ou de la crème on amène en plus des protéines qui contribuent à la coloration du clafoutis. Souvenez-vous que le beurre contient 82% de matière grasse et la crème au moins 30% si elle est entière (bouchon rouge), ou entre 12% et 21% si elle est allégée (bouchon bleu). Le lait entier ne contient que 4% de MG et le lait écrémé 2.3%

Le lait

Le lait apporte essentiellement de l’eau (87%). L’eau fait gonfler les grains d’amidon de la farine et produit de la vapeur qui fait gonfler le clafoutis pendant la cuisson.

Le lait contient également des matières grasses, des protéines et des sucres qui apportent du goût et de la couleur au clafouti (réactions de brunissement).

Les œufs

Les œufs apportent de l’eau (74%), des protéines (12%) et des matières grasses (12%).

Sous l’effet de la chaleur, les protéines de l’œuf se déroulent et s’attachent les unes aux autres (elles coagulent). Elles emprisonnent ainsi les molécules d’eau et les matières grasses, et rendent le clafoutis moelleux (pensez au blanc moelleux des œufs à la coque).

représentation schématique de la coagulation des protéines
représentation schématique des protéines des œufs dans le clafoutis

L’air

Il est important d’introduire de l’air dans la pâte à clafoutis. Ca permet

  • La formation de trous pour une pâte plus aérée
  • Un effet isolant de l’air qui réduit l’évaporation de l’eau pour un clafoutis plus moelleux

Certaines recettes recommandent d’ajouter un peu de levure chimique. Comme nous l’avons vu dans l’article sur les pancakes, la levure chimique provoque la formation de CO2

D’autres recettes recommandent de battre l’œuf et le sucre. Comme nous l’avons vu dans l’article sur les fondants au chocolat, le fait de battre les œufs et le sucre introduit de nombreuses bulles d’air dans la préparation.

Le sucre se dissout dans l’eau des œufs (74%) et forme un sirop qui piège les bulles d’air (pensez à une bulle d’air dans du miel).

bulles d’air dans du miel

Les proportions

On retrouve les mêmes ingrédients dans le clafoutis que dans le far breton, le flan pâtissier, les pancakes ou les crêpes. Ce sont les proportions qui font la différence.

proportions des ingrédients dans différents gâteaux
proportions des ingrédients dans différents gâteaux et desserts

J’ai comparé de nombreuses recettes de clafoutis et j’ai testé certaines d’entre elles. On peut tirer quelques enseignements utiles de cette comparaison.

Les recettes que j’ai préférées contiennent

  • Pas trop d’amidon. Environ 10% du poids total de l’appareil. Elles ont donné un clafoutis plus léger. Celles réalisées avec de la Maïzena contiennent aussi de la poudre d’amande ou de noisette pour compenser le manque de matière.
  • De l’air. Elles contiennent une pincée de levure chimique, ou prévoient de blanchir les œufs et le sucre pour introduire de l’air. Elles ont donné un clafouti plus léger et aérien.
  • Des matières grasses. Entre 10% et 15% du poids total de l’appareil. Outre le lait et les œufs, les matières grasses sont apportées par du beurre fondu (82% de MG) ou de la crème entière (30% de MG).
  • Pas trop d’œuf. Environ 20% du poids total de l’appareil. S’il y a trop d’œuf, le clafoutis est dense et a le goût d’un flan.

Le plat pour la cuisson

Le matériau du plat de cuisson est sans doute l’un des éléments les plus importants pour la réussite d’un clafoutis !

La capacité d’un matériau à laisser passer la chaleur s’appelle la conductivité thermique. Plus elle est élevée, et plus le matériau laisse passer la chaleur (du four ou du feu) vers l’aliment à cuire. L’aluminium a une conductivité thermique 10 fois plus élevée que l’inox et presque 200 fois plus élevée que la céramique ou le verre !

conductivité thermique de différents matériaux utilisés en cuisine

La plupart des recettes et des photos de clafoutis présentent des clafoutis dans des plats en céramique ou en verre (pyrex). Ça donne des jolies photos, mais ces matériaux conduisent mal la chaleur.

Résultat : il faut cuire longtemps pour que les bords soient cuits. Ce qui rend le clafoutis plus sec et compact (évaporation de l’eau) et la surface trop cuite (la surface est chauffée directement par l’air du four).

schéma de la transmission de chaleur
représentation schématique de la transmission de chaleur en fonction du matériau du plat

La preuve

J’ai mesuré l’évolution de la température de 115 ml d’eau au centre de moules individuels en céramique ou en aluminium dans un four préchauffé à 160°C ou à 180°C.

Une mention spéciale à « Sylvie la pragmatique » qui a trouvé l’idée pour faire tenir les 2 sondes au centre des moules.

Quelle que soit la température du four, l’eau dans le récipient en céramique (courbe orange) a chauffé moins et moins vite que celle dans le récipient en aluminium (courbe bleue). Et ces différences ont un impact sur la cuisson du clafoutis et notamment la coagulation des protéines et l’évaporation de l’eau.

Grâce à sa bonne conductivité, un plat en aluminium permet d’avoir rapidement des bords et un fond cuits et colorés, avec un intérieur qui reste moelleux.

Pour obtenir des bords et un fond cuits avec un plat en céramique, il faut cuire plus longtemps ce qui entraine un dessus trop cuit et un intérieur plus sec à cause de l’évaporation de l’eau et de la coagulation des protéines (pensez aux bords secs d’un œuf sur le plat).

C’est la profondeur qui compte

Comme nous l’avons vu dans un article précédent sur les formules mathématiques en cuisine, le temps de diffusion de la chaleur (et donc le temps de cuisson) dans un four dépend de l’épaisseur de l’aliment à cuire, et non de son poids.

Donc si l’épaisseur de la pâte est identique dans un grand moule et dans des moules individuels, leur temps de cuisson sera le même. Trop de recettes recommandent des temps beaucoup trop longs pour les grands plats.

schéma distance parcourue par la chaleur
le temps de cuisson est déterminé par la distance que doit parcourir la chaleur

Le graissage et le sucrage des moules

Comme nous l’avons vu dans l’article sur les coulants au chocolat et sur la cuisson du saumon, ce sont les protéines qui font que les aliments attachent.

Quand les protéines du clafoutis (celles des œufs et du lait) chauffent, elles se déroulent et cherchent immédiatement à s’attacher à des molécules voisines. Et celles situées à l’extérieur vont essayer de s’attacher aux molécules des plats de cuisson.

les protéines se déroulent et s’accrochent au récipient

Avec le graissage, on isole un peu les molécules. Mais le beurre coule et la protection n’est pas suffisante notamment sur les côtés.

C’est pour cela qu’il faut aussi sucrer les moules, pour que les protéines s’accrochent au sucre plutôt qu’au plat. Et en plus, ça produit une délicieuse croûte caramélisée.

il faut beurrer et sucrer les moules

La question des noyaux

On lit régulièrement qu’il faut laisser les noyaux des cerises pour donner du goût au clafoutis. C’est totalement faux scientifiquement !

En effet, l’amande du noyau est entourée d’une coque dure. Et les molécules qu’elle contient n’ont pas le temps de sortir de cette coque dure pendant le temps (court) de cuisson du clafoutis.

Et c’est tant mieux car l’amande contient de l’amygdaline qui se transforme en cyanure pendant la digestion. Des personnes finissent régulièrement aux urgences après avoir croqué des noyaux de cerise.

coupe d'une cerise

L’explication la plus plausible de cette « croyance » serait que quand on coupe les cerises pour ôter le noyau, elles rendent du jus, perdent du goût et le fond du clafoutis est détrempé.

Le farinage des cerises

Là aussi c’est une croyance qui n’a aucun fondement scientifique. Les cerises, qui contiennent 85% d’eau, sont moins denses que la pâte à clafoutis (qui contient des œufs, du sucre et de la farine). Elles flottent donc, quoiqu’on fasse. Et surtout si elles sont entières car leur noyau augmente leur flottabilité.

La seule façon efficace pour éviter qu’elles ne flottent est de diminuer leur teneur en eau en les faisant dégorger avec du sucre ou en les faisant revenir à la poêle dans du beurre.

Quelles implications en cuisine ?


Les proportions idéales

Choisissez ou inventez une recette qui contient les proportions « idéales » … ou suivez la recette que je vous propose.

  • environ 10% d’amidon
  • de 10 à 15% de matières grasses
  • 20% d’œuf maximum

Pour calculer le pourcentage de ces différents éléments, il suffit d’additionner le poids des différents ingrédients et de faire une règle de 3, en sachant que

  • la maïzena contient 100% d’amidon et la farine environ 70%
  • le beurre contient 82% de matière grasse et la crème 30% quand elle est entière
  • un œuf gros pèse environ 63g sans la coquille, et un œuf moyen 53g

Adaptez le temps et la température de cuisson au plat

Si vous utilisez un plat en aluminium, vous pouvez cuire à température élevée (180°C) pendant un temps court (20 mn). Ainsi le dessus et les bords sont colorés et le cœur reste moelleux.

Si vous utilisez un plat en céramique ou en verre, il faut cuire à température plus douce (160°C) et pendant plus longtemps (40 mn). Si vous voulez plus colorer la surface de votre clafoutis, passez-le qq minutes sous le grill.

Faites revenir les fruits

C’est une bonne idée de faire revenir les fruits à la poêle à feu moyen avec un peu de beurre et de sucre. Ainsi ils perdent un peu de leur eau, et leur extérieur se caramélise, pour un clafoutis encore plus gourmand.

Certaines recettes recommandent de saupoudrer les fruits de sucre et de les laisser dégorger pendant 1h. Ainsi ils perdent de leur eau et ne détrempent pas le clafoutis.

La recette


La recette que je vous propose s’inspire de celles publiées par Valérie dans son blog C’est Ma Fournée (Valérie mentionne que c’est une recette de Guy Savoy) et par Raphaël Haumont dans l’émission Allo Docteur. Elle donne un clafoutis juste cuit, doré et moelleux.

Réussissez vos clafoutis aux fruits

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Temps total 1 heure
Type de plat Dessert
Portions 8

Equipements

  • 1 plat en métal ou en céramique de 24 cm de diamètre, ou 8 moules individuels
  • 1 fouet à main ou 1 robot

Ingrédients
  

  • 3 oeufs gros
  • 80 g de sucre en poudre
  • 600 g de fruits dénoyautés et coupés en morceaux
  • 1 pincée de sel
  • 1 pincée de levure chimique optionnel

Farine ou Maïzena

    si farine

    • 100 g de farine

    si maïzena

    • 50 g maizena
    • 100 g de poudre amande ou de noisettes

    Beurre fondu ou crème

      si beurre fondu

      • 300 ml lait entier
      • 50 g beurre fondu

      si crème

      • 100 ml lait entier
      • 300 ml crème épaisse ou liquide

      Instructions
       

      Préchauffage

      • Faites préchauffer le four sur chaleur tournante à 180°C (plat métallique) ou 160°C (plat en céramique ou en verre).

      Préparation des fruits

      • dénoyautez les fruits et coupez les en morceaux de même taille
      • optionnel : faites revenir les fruits dans du beurre à feu moyen dans une poêle pour éliminer une partie de leur eau et les faire caraméliser.

      Préparation de l'appareil

      • A la main ou au robot, fouettez les œufs et le sucre pour faire mousser et blanchir le mélange
      • ajoutez la farine (ou la maïzena et la poudre d'amande), la pincée de sel, la pincée de levure chimique, et fouettez pour bien incorporer l'ensemble.
      • ajoutez progressivement le lait et la crème (ou le beurre fondu) en fouettant bien pour éviter les grumeaux

      Préparation du moule

      • beurrez et sucrez le(s) moule(s), notamment sur les bords
      • répartissez les fruits sur le fond
      • versez la préparation en veillant à ce qu'elle recouvre juste les fruits (la préparation va gonfler à la cuisson)

      Cuisson dans un plat métallique

      • enfournez pour 20 mn (four à 180°C).
      • surveillez la coloration et vérifiez en fin de cuisson en piquant avec un couteau. La lame doit ressortir sèche.

      Cuisson dans un plat en verre ou en céramique

      • enfournez pour 40 mn (four à 160°C).
      • surveillez la coloration et vérifiez en fin de cuisson en piquant avec un couteau. La lame doit ressortir sèche
      • si la surface vous parait un peu pâle, sortez le clafoutis et branchez le grill. Passez le clafoutis quelques minutes sous le grill préchauffé pour colorer la surface. Attention, ça va vite !
      Imprimer la recette

      Les références

      Les documents suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.

      1. Daniel Gritzer; Serious Eats : Classic Cherry Clafoutis Recipe
      2. C’est ma fournée : le clafoutis aux cerises de Guy Savoy
      3. Raphael Haumont : les secrets d’un clafoutis réussi
      4. Hervé This; Pour la science n° 455 p. 94; La cerise dans le gâteau.